Pays baltes dans le viseur de Poutine
Ce qu'il faut savoir sur le blocus à Kaliningrad

Une nouvelle confrontation a lieu dans les pays baltes: la Lituanie a interdit le transit ferroviaire, sur son territoire vers l'enclave russe de Kaliningrad, de marchandises figurant sur les listes des sanctions occidentales. Le Kremlin menace de sévir. Décryptage.
Publié: 24.06.2022 à 06:18 heures
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Un train de marchandises russe de Kaliningrad en direction de la Lituanie.
Photo: keystone-sda.ch
Guido Felder

C’est une confrontation qui a des airs de David contre Goliath. Le petit pays qu’est la Lituanie impose des restrictions au géant russe. Depuis samedi, les trains en provenance de Russie et qui traversent le territoire lituanien pour se rendre dans l’enclave russe de Kaliningrad ne peuvent plus transporter certaines marchandises. Moscou a fait savoir sa colère, et menace désormais de représailles.

Quelle forme pourrait prendre cette riposte de Vladimir Poutine? Y aura-t-il une guerre dans les pays Baltes? L’OTAN protégera-t-elle la Lituanie? Blick apporte des éléments de réponse aux questions les plus pressantes sur le sujet.

Qu’est-ce que Kaliningrad?

L’oblast de Kaliningrad est une enclave russe, coincée entre la Pologne et la Lituanie (toutes deux membres de l’UE et de l’OTAN) et la mer Baltique. Pour le Kremlin, cette «mini-Russie» au cœur de l’Europe est l’un des points d’appui les plus importants. C’est ici que Moscou a positionné sa flotte de la mer Baltique. On y trouve également des avions de combat, un système d’alerte précoce et des missiles Iskander-M capables de transporter des armes nucléaires.

Kaliningrad est trois fois plus grande que la Suisse et compte à peine un million d’habitants. Pour l’approvisionnement, il existe un accord avec la Lituanie qui autorise la Russie à transporter des personnes et des marchandises par chemin de fer depuis la Biélorussie à travers ce que l’on appelle le «Suwalki gap». La distance à vol d’oiseau entre la Biélorussie et Kaliningrad est de 66 kilomètres.

Quelles sont les marchandises bloquées par la Lituanie?

Parmi les marchandises bloquées figurent notamment le ciment, le charbon, les matériaux de construction et les métaux. Selon le gouverneur de Kaliningrad, Anton Alikhanov, 40 à 50% du transit entre le cœur de la Russie et l’enclave sont concernés.

Alors que la Russie parle de «blocus», la cheffe du gouvernement lituanien, Ingrida Šimonytė, rétorque: «Il n’y a pas de blocus de Kaliningrad. C’est juste que depuis le week-end dernier, des sanctions sont en vigueur pour certains des biens contenus dans le paquet de sanctions.»

Pour la Russie, le mot «blocus» évoque de douloureux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’armée allemande avait bloqué Leningrad, aujourd’hui Saint-Pétersbourg. Plus d’un million de personnes avaient alors trouvé la mort.

Quelles sont les conséquences de ces mesures?

La Russie doit désormais acheminer les marchandises bloquées par voie maritime, de Saint-Pétersbourg à Kaliningrad. Un trajet plus complexe et plus cher. Le gouverneur de Kaliningrad reste serein: l’enclave dispose de sa propre électricité et de sa propre nourriture. Il y aurait même un afflux encore suffisant de touristes.

Le corridor d’entrée pourrait-il être interdit aux personnes?

La Lituanie n’appliquera que les sanctions des organisations dont elle fait partie, c’est-à-dire l’UE et l’OTAN. L’expert militaire Mauro Mantovani en est convaincu: «Le pays n’ira pas au-delà, des facilités exceptionnelles seront plutôt accordées.»

Quelles sont les menaces de Moscou?

Moscou répondra à de tels «actes hostiles» par des contre-mesures, a déclaré le chef du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev: «Leurs conséquences auront de graves répercussions négatives sur la population lituanienne.» Différents hommes politiques appellent à une «autodéfense» et à l’utilisation d’armes nucléaires si un blocus complet devait avoir lieu.

Quelles pourraient être les «contre-mesures» de la Russie?

Selon le président lituanien, Gitanas Nausėda, son pays est prêt à faire face aux menaces de représailles russes. Moscou pourrait par exemple décider d’exclure la Lituanie du réseau électrique commun avec la Russie. Mauro Mantovani envisage en outre d’autres restrictions à l’exportation, pouvant aller jusqu’à un embargo, ainsi que des cyberattaques contre des infrastructures ciblées.

La guerre menace-t-elle dans les pays Baltes?

Le député de la Douma Oleg Morozov propose de dégager militairement le corridor terrestre. À Moscou, on spécule également sur le fait que l’armée de l’air russe puisse s’emparer de l’espace aérien au-dessus de la Lituanie et approvisionner Kaliningrad au moyen d’avions-cargos.

Pour Mauro Mantovani, une attaque militaire est peu probable. «Les Russes connaissent l’article sur l’assistance mutuelle de l’OTAN. De plus, ils n’ont plus de troupes au sol à disposition pour un autre théâtre d’opérations.»

Comment l’OTAN réagirait-elle en cas d’attaque?

Ces dernières semaines, l’OTAN s’est réarmée dans les pays Baltes. «L’OTAN soutiendrait en tout cas la Lituanie», affirme Mauro Mantovani. Les Russes sauraient très bien à quelles conséquences ils s’exposent en cas d’ingérence, quelle que soit sa nature.


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