La Chine est en état d'urgence. Effrayés, ses citoyens se précipitent désespérément dans les magasins. Pas à cause du coronavirus ou d'un nouveau risque de pandémie, mais face au spectre de Fukushima, la centrale nucléaire japonais au cœur du drame qui s'est produit il y a plus de 12 ans, le 11 mars 2011. Une catastrophe qui a marqué la terre entière.
La raison de cette peur panique? Le rejet dans l'océan Pacifique d'eau de refroidissement traitée, dont presque tous les composants radioactifs — à l'exception du tritium — ont été filtrés, a commencé jeudi à la tristement célèbre centrale nucléaire. Une mesure nécessaire, car les capacités de stockage de l'eau de refroidissement sur place ne suffisaient plus.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a certes fait savoir que l'eau rejetée dans le Pacifique ne présentait aucun risque. Mais la Chine a déclaré que le projet polluait l'océan. Pékin a condamné le rejet comme étant «extrêmement égoïste» et «irresponsable» et a suspendu toutes les importations de produits marins japonais.
Vestiges des réacteurs toujours hautement radioactifs
Que réplique le Japon? Selon les informations fournies dimanche par le ministère japonais de l'Environnement, une nouvelle analyse de l'eau sur la côte de Fukushima n'a pas révélé de taux élevés de tritium.
Malgré ces analyses censées les rassurer, les Chinois ont peur et achètent donc beaucoup de sel. Et ce pour deux raisons. D'une part, ils craignent que le sel de mer soit désormais contaminé. D'autre part, la croyance selon laquelle le sel iodé peut protéger contre l'empoisonnement par les radiations est très répandue, comme le rapporte l'agence de presse Reuters.
1,34 million de tonnes d'eau contaminée
En 2011, au moment de la tragédie, la Chine avait déjà connu une ruée sur le sel. Pour mémoire, la côte est du Japon avait été frappée par un violent tremblement de terre et un tsunami. Dix-huit mille personnes avaient perdu la vie, le système de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi était tombé en panne et le cœur de trois des six réacteurs était entré en fusion.
Depuis, l'exploitant Tepco a stocké 1,34 million de tonnes d'eau, dont une partie a été utilisée pour refroidir les restes des réacteurs toujours hautement radioactifs.
L'entreprise publique de sel fait appel aux Chinois
Maintenant que cette eau se déverse dans l'océan, les rayons de sel des supermarchés sont à nouveau vides, tout comme les plates-formes de vente en ligne dans certaines localités, dont Pékin et Shanghai. Selon le média chinois Jiemian, 6,73 millions de commandes de sel ont été passées sur la plateforme de commerce électronique JD.com depuis le 22 août.
L'entreprise publique National Salt Industry Group, le plus grand producteur de sel de cuisine au monde, a appelé les gens dans un communiqué à ne pas acheter dans la panique et a assuré aux consommateurs que la production allait augmenter et que la pénurie n'était que temporaire.
Les Japonais en Chine doivent être prudents
En dehors du sel, empoigné en masse, des milliers de Chinois ont également saisi leur téléphone. Une vague d'appels de protestation a en effet submergé le Japon. Des entreprises, des magasins, des salles de concert et des aquariums ont déclaré avoir reçu tellement d'appels qu'ils avaient du mal à maintenir un fonctionnement normal. Des Chinois ont publié des vidéos d'eux-mêmes appelant des numéros de téléphone japonais, y compris des restaurants de Fukushima.
Selon le ministère japonais des Affaires étrangères samedi soir, le diplomate japonais de haut rang Hiroyuki Namazu a exprimé ses regrets pour ces appels et a appelé Pékin à «assurer la sécurité des résidents japonais en Chine». L'ambassade du Japon à Pékin avait demandé aux ressortissants japonais de ne pas parler japonais à haute voix.
Les relations entre la Chine et le Japon sont aujourd'hui encore entachées par l'histoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon a occupé une partie du pays, tuant des millions de Chinois, dont de nombreux civils.