Une guerre totale. Tel est le spectacle auquel nous assistons depuis l’assaut terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre. Le mouvement palestinien, retranché dans la bande de Gaza, savait que ses massacres de civils entraîneraient une impitoyable riposte de Tsahal, l’armée israélienne. Celle-ci, de son côté, jure que l’opération militaire en cours dans le territoire gazaoui sera définitive et qu’à l’issue de cette guerre, le Hamas sera décapité et éliminé. À quoi sert-il d’évoquer sans cesse le droit de la guerre dans ces conditions? Peut-on encore espérer, pour les deux millions d’habitants de Gaza, que les belligérants le respecteront? Voici les 5 points indispensables pour bien comprendre.
Le droit de la guerre est bafoué à Gaza
C’est une évidence. Avec son assaut et ses actes terroristes qui ont coûté la vie à près de 1500 civils israéliens, le Hamas a piétiné le premier et de la pire manière les règles du droit des conflits armés ou droit international humanitaire, les deux autres noms du droit de la guerre qui tire son corpus des Conventions de Genève. Conventions auxquelles Israël, comme la Palestine (représentée par l’Autorité palestinienne qui gouverne la Cisjordanie) sont des Etats parties. C’est maintenant Israël qui se retrouve accusé de bombarder la bande de Gaza de façon indiscriminée, au point que certains humanitaires parlent de «charnier à ciel ouvert». Aucun des principes (humanité, proportionnalité des attaques, distinctions des cibles civiles et militaires, précaution dans le choix des cibles) n’est appliqué comme ils devraient l’être. A Rafah (Egypte) le 29 octobre, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan, qui dit enquêter sur les faits en cours depuis le 7 octobre, a assuré qu’« empêcher l’accès de l’aide humanitaire peut constituer un crime », et que « les écoles, les hôpitaux et les mosquées » sont des sites protégés. « La prise d’otages est une violation grave des conventions de Genève » a-t-il aussi asséné. Rappel important: le droit de la guerre n’est pas supposé être réciproque. Chaque belligérant doit le respecter. A quoi sert-il de l’invoquer face à l’étendue du désastre?
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Le droit de la guerre protège les civils
C’est ainsi qu’il faut le considérer. Les dirigeants du Hamas seront peut-être pour la plupart éliminés par l’armée Israélienne. Mais ceux qui survivront, à l’issue de semaines de combats féroces, doivent savoir qu’ils devront rendre des comptes. Idem pour les officiers et soldats de Tsahal. Maintenir la pression juridique est un levier sur les deux belligérants. Cela n’empêchera pas, bien sûr, la poursuite des hostilités. Il est clair que l’objectif de Tsahal est aujourd’hui «d’aplatir» le maximum de bâtiments à Gaza avant d’intervenir au sol, pour faire passer ses tanks et éviter une impitoyable guerre urbaine. Le droit de la guerre reste l’ultime protection pour les civils piégés dans ce territoire, pour les otages du Hamas et aussi pour les futurs prisonniers de guerre. Protection théorique, certes, mais c’est la seule.
Le droit de la guerre est en perdition ailleurs aussi
On pense à la tactique de l’armée russe en Ukraine, et notamment au bombardement de Marioupol. On pense à ce qui s’est passé en Irak, au Tigré (Ethiopie), au Yémen, au Soudan. «Partout, les populations civiles sont un objectif de guerre», explique le juriste Philippe Ryfman, spécialiste des questions humanitaires. D’où l’importance de ne pas lâcher prise, même s’il faut prendre en compte la spécificité de chaque situation militaire. «Il faut réfléchir à ce qu’on peut préserver du droit de la guerre», poursuit Philippe Ryfman. Se battre aujourd’hui pour ces règles, sans illusions sur leur application concrète, c’est aussi garder à l’esprit que Gaza est scrutée dans le monde entier. Chaque moment de cette guerre urbaine est disséqué. Les experts l’affirment: ce combat juridique n’est pas vain.
Le droit de la guerre force à la vérité
C’est un point crucial. Invoquer le droit de la guerre, c’est s’obliger, dans le cas de la lutte entre le Hamas et Israël, à regarder la réalité en face. Lorsque Israël dénonce les tunnels du Hamas sous les hôpitaux, il faut s’interroger. «C’est la même chose avec l’évocation de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité: ces accusations obligent à des enquêtes, elles nous forcent à regarder tous les faits», expliquait, à propos de l’Ukraine, l’ancien ambassadeur français Jean-Maurice Ripert, auteur de «Diplomatie de combats» (Ed. Presses de la Cité). Le pire serait au contraire de détourner le regard, de considérer que la guerre totale est à la fois inévitable et justifiée. «Il y a toujours un risque d’instrumentalisation du droit des conflits armés. Mais il serait bien pire de ne pas l’invoquer, et de ne pas s’en préoccuper. Ce serait un blanc-seing à la barbarie», poursuit notre interlocuteur.
Le droit de la guerre construit la paix future
«C’est impensable et pourtant il le faut: nous devons réfléchir à la paix et à une solution politique maintenant, plus que jamais.» C’est un homme d’affaires israélien qui l’a répété à Blick ce lundi 30 octobre, depuis Tel Aviv. Or la paix se bâtira aussi demain sur le respect du droit de la guerre aujourd’hui, notamment sur le traitement des prisonniers. Les Palestiniens seront toujours là après le «nettoyage militaire» de Gaza. L’Etat Hébreu sera peut-être encore plus fort s’il a décimé le Hamas. Le paradoxe est que ceux qui brandissent aujourd’hui le droit de la guerre savent qu’il est impuissant et n’est pas respecté. Mais ils plantent ainsi des fondations indispensables à une possible paix.