Difficile de faire plus spectaculaire. Ce qui s'est passé dans la nuit de vendredi à samedi au Congrès américain laisse les observateurs incrédules. On a assisté à des négociations désespérées de dernière minute sur la scène ouverte, à des altercations enflammées, et même à des empoignades entre députés. À plusieurs reprises, la situation a soudainement changé de bord. Les commentateurs télévisés retenaient leur souffle en direct.
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Finalement, le sort s'est scellé: le Républicain Kevin McCarthy, âgé de 57 ans, est le nouveau président de la Chambre des représentants. Au quinzième tour de scrutin, 216 républicains ont voté pour le Californien, tandis que six de ses compatriotes se sont abstenus. Ses adversaires ont renoncé à voter pour des candidats alternatifs issus de leurs propres rangs lors du dernier tour. Le successeur de la Démocrate Nancy Pelosi devient ainsi le nouveau numéro trois, après le président et sa vice-présidente.
A une voix près
Le coup d'envoi de cette débâcle électorale historique des républicains a été donné mardi. Pendant plusieurs jours, ils ont tenté de rassembler suffisamment de voix pour Kevin McCarthy. Certains de ses collègues de parti se sont toutefois opposés à lui avec véhémence et ont exigé les concessions les plus diverses.
Ce n'est que vendredi que les choses ont commencé à bouger. En faisant de nouvelles concessions, Kevin McCarthy rallie plus d'une douzaine de ses détracteurs à sa cause. Il semble avoir réussi à obtenir les voix nécessaires avant la réunion de la Chambre du Congrès dans la soirée.
Kevin McCarthy se dit sûr de sa victoire. Mais il manque finalement une seule voix. L'un de ses plus farouches adversaires, Matt Gaetz, s'abstient à la dernière minute, scellant ainsi la quatorzième défaite électorale consécutive du Californien. Perplexité dans la salle. Des discussions frénétiques commencent.
Pour Trump, la balance penche du bon côté
La suite? Un proche de Kevin McCarthy s'est adressé à Matt Gaetz pendant plusieurs minutes. A la fin, le Californien se rend lui-même auprès de son adversaire. Les deux échangent quelques mots, les visages tendus, puis il tourne les talons. Un autre député se précipite en colère vers Matt Gaetz, un collègue de parti le retient au dernier moment. Le ton monte. L'ancien président américain Donald Trump prend également part à la discussion.
Sur des photos de la séance, on voit la députée de droite Marjorie Taylor Greene agiter son téléphone portable devant des collègues de parti. Sur l'écran, on peut voir que «DT» est à l'autre bout: Donald Trump. Pendant ce temps, le contestataire continue d'être travaillé au corps par des collègues du parti.
C'est seulement lorsque les partisans du Californien demandent un ajournement de la séance que Matt Gaetz se réveille. Une nouvelle fois, les deux hommes parlent brièvement, puis Kevin McCarthy court vers la direction de la séance, change de voix pour stopper l'ajournement. D'autres l'imitent. Et peu après, le quinzième et dernier tour de scrutin a lieu. Le Californien a réuni les voix nécessaires. Des applaudissements éclatent avant même l'annonce des résultats.
«Je n'abandonne jamais»
Il a réussi... Enfin! Et il semblerait que ce soit (un peu?) grâce à Donald Trump. Kevin McCarthy le remercie en tout cas «particulièrement». «Il a vraiment aidé à obtenir les dernières voix. Je ne pense pas que quiconque doive douter de son influence, a-t-il déclaré, avant d'ajouter: je vais être honnête. Cela ne s'est pas passé comme je l'avais prévu. Mais, j'espère qu'une chose est claire après cette semaine: je n'abandonnerai jamais.» Après sa prestation de serment, il a brièvement levé le poing en l'air.
L'homme aborde pourtant son nouveau mandat bien affaibli. La débâcle électorale de plusieurs jours a été pour lui un embarras public et une humiliation d'une ampleur historique. Kevin McCarthy a fait des concessions considérables à ses adversaires au cours des dernières semaines et des derniers jours - il a largement cédé au chantage.
Rêve pour l'un, cauchemar pour l'autre
Les radicaux, en minorité, ont notamment insisté pour que les règles de procédure au sein de la Chambre soient modifiées de manière à ce qu'ils aient plus de pouvoir pour pousser le président. Il est difficile d'imaginer qu'une collaboration raisonnable soit possible après ces élections. Après tout, il ne s'agissait pas seulement d'objectifs politiques, mais aussi d'affaires personnelles.
Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, prévient déjà que les «concessions faites par McCarthy aux extrémistes de son parti» rendent beaucoup plus probable un «shutdown» des Etats-Unis, «avec des conséquences désastreuses pour notre pays». Il prévient que le «job de rêve» de Kevin McCarthy pourrait se transformer en «cauchemar» pour le peuple américain. La politique américaine devrait donc continuer à se dérouler de manière spectaculaire.
(avec l'ATS)