Six tours de scrutin, 300 noms lus à haute voix et deux jours d’élections plus tard… La Chambre des représentants américaine n’a toujours pas de président. Le chaos politique aux États-Unis est total. Les républicains, qui avaient pourtant remporté les élections à la Chambre basse l’année dernière, semblent s’entredéchirer à l'heure de nommer leur «speaker», leur chef de la majorité.
Avoir eu besoin de plusieurs tours de scrutin est déjà historique. Ces 100 dernières années, l’élection du président a été considérée comme une formalité et a toujours été approuvée au premier tour. Jusqu’à présent. Le favori pour le rôle de chef de la majorité est Kevin McCarthy. Mais 20 députés de l’aile droite républicaine refusent de le soutenir. Le républicain ne peut s’autoriser que quatre dissidents.
Qui sont ces dissidents en question et quel rôle joue Donald Trump dans cette situation? Blick fait le point.
Qui sont les partisans de la ligne dure?
Les recherches du «New York Times» montrent que les dissidents sont des hommes politiques d’extrême droite. Certains d’entre eux se sont déjà fait remarquer par le passé pour leurs théories du complot. Les politiciens sont tellement à droite que certains d’entre eux ont refusé de soutenir certaines lois soumises pendant le mandat de Donald Trump: ils les jugeaient trop peu radicales.
Parmi les hommes et femmes politiques juchés aux extrêmes, on trouve par exemple Lauren Boebert. Cette députée du Colorado est connue pour être une fervente défenseure des armes à feu. Lors de la période de l’Avent en 2021, la politicienne avait posé avec ses enfants devant le sapin de Noël. Au lieu de cadeaux ou de friandises, les quatre bambins tenaient des armes lourdes dans leurs mains.
Un autre visage connu est celui de Matt Gaetz. Le représentant floridien est, lui aussi, réputé pour ses provocations. Pendant l’enquête sur Donald Trump après la tempête de l’assaut du Capitole, il a fait irruption avec d’autres républicains lors d’une réunion de la commission d’enquête.
En outre, le républicain a mis en doute les mesures Covid décidées par le gouvernement américain. Il l’a d’ailleurs ouvertement affiché. Au début de la pandémie, il s’est ainsi présenté au Parlement avec un masque à gaz.
Le Freedom Caucus, l’aile droite du groupe parlementaire républicain, est dirigé par Scott Perry, 60 ans. Le député de Pennsylvanie avait déjà écrit avant le premier tour des élections de mardi qu’il était «déterminé à changer le statu quo, quel que soit le nombre de tours de scrutin nécessaires». Mercredi aussi, il a de nouveau parlé d’un échec du Congrès américain: «Les Américains en ont assez.»
Scott Perry lui-même n’est pas un inconnu. Selon la «Frankfurter Allgemeine Zeitung», son nom est apparu 22 fois dans le rapport final sur l'assaut du Capitole. Avec Donald Trump, il a tenté de faire basculer le résultat des élections de 2020. Tout comme l’ancien président des États-Unis, Scott Perry se disait fermement convaincu que les élections présidentielles étaient truquées.
Quel rôle joue actuellement Donald Trump?
Étonnamment, de nombreux républicains insurgés sont de fervents partisans de Donald Trump. Par le passé, ils ont soutenu l’ex-président et l’ont défendu publiquement, par exemple lors de débats sur les chaînes de télévision américaines. Cela est d’autant plus remarquable que Donald Trump lui-même soutient en réalité Kevin McCarthy comme nouveau «speaker» et le recommande pour l’élection.
Une analyse du «Spiegel» allemand montre que la partie droite et radicale du mouvement trumpiste a manifestement gagné en autonomie. Les députés restent certes des fans de Trump, mais ne veulent en même temps pas d’un homme politique établi comme «speaker» de la Chambre des représentants.
Des députés plus jeunes comme Lauren Boebert et Matt Gaetz tenteraient de se montrer sous le jour de «politiciens anti-establishment». En s’opposant au maximum à un «Washington en panne», ils tentent de gagner en sympathie auprès de la population. Cela passe aussi par une lutte contre des politiciens vétérans – comme Kevin McCarthy. Ce dernier siège depuis 2009 au sein de l’équipe dirigeante des républicains.
Donald Trump, autrefois lui-même un «politicien anti-establishment», tente bien sûr de remettre les dissidents sur les rails et de voter pour McCarthy. Mais le succès n’est pas au rendez-vous. Cela suscite également des questions. Quel pouvoir Donald Trump a-t-il encore auprès de ces républicains dissidents? Le fait que les 20 membres de la ligne dure ne se soient pas laissé intimider par lui jusqu’à présent laisse présager qu’ils ne s’attendent plus à un retour politique du milliardaire. Ce sont donc justement les défenseurs de la première de Donald Trump qui pourraient causer sa perte.
Que disent les démocrates?
Aucune solution ne semble en vue. Une majorité des 20 députés «rebelles» de droite ne veulent pas voter pour le Californien, malgré les arrangements politiques et les concessions. C’est une débâcle républicaine qui devrait se poursuivre dès ce vendredi à 18h, heure suisse, quand les débats reprendront.
Les démocrates savourent le naufrage de leur parti ennemi. Ces derniers jours, plusieurs députés ont apporté du pop-corn à la Chambre des représentants: une allusion cynique au divertissement quasi cinématographique qu’offre le camp adverse.
La représentante démocrate Sara Jacobs a posté une photo avec un bébé en écrivant: «Aujourd’hui, on a l’impression que ce sont des enfants en bas âge qui dirigent la maison.»
Une chose est claire: tant qu’un nouveau «speaker» n’aura pas été trouvé, il ne se passera rien à la Chambre des représentants. Aucune loi ne peut être votée et aucun débat ne peut avoir lieu. Le député Matt Glassman a fait remarquer qu’actuellement, du moins officiellement, même l’étiquette et le protocole habituellement propres au lieu ne peuvent pas être mis en place. En théorie, les députés pourraient donc se présenter en T-shirt et en tongs, s’ils le souhaitaient.
On ne sait pas combien de temps durera encore la lutte pour le pouvoir au sein du parti républicain aux États-Unis. Les élections du «speaker» les plus longues jusqu’à présent datent de 1855 et 1856. Il avait alors fallu 133 tours de scrutin, étalés sur une période de deux mois, pour désigner un nouveau chef de la majorité.