Le camp de Zaatari a ouvert en 2012, un an après le début du conflit en Syrie, et il abrite aujourd'hui 75'000 réfugiés, selon l'ONU. Au début, ce n'était qu'un ensemble de tentes érigées à la hâte sur un terrain vague, mais le camp s'est transformé en une véritable cité avec des maisons préfabriquées et des services gratuits comme l'électricité, l'eau, la santé et l'éducation.
Sur la rue baptisée «Champs-Elysées», où se succèdent restaurants et commerces, Youssef Hariri, 60 ans, propriétaire d'un magasin de matériaux de construction, veut rester avec sa famille «en sécurité» dans le camp. «Je ne peux pas rentrer. Cela signifie tout perdre, et vendre le magasin sera difficile», explique-t-il à l'AFP. «La situation en Syrie n'est pas bonne pour le moment et on ne sait pas ce qui va se passer. Les prix sont exorbitants et il y a des rebelles armés. Nos maisons sont détruites», ajoute-t-il.
Après le début de la guerre en 2011 déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, des millions de Syriens ont fui le pays se réfugiant dans les pays voisins et ailleurs. Nombre d'entre eux sont retournés après l'éviction du président Bachar al-Assad par une coalition de rebelles islamistes début décembre.
«Où allons-nous retourner?»
La plupart des habitants du camp de Zaatari, situé à environ 70km au nord-est d'Amman, sont venus de Deraa, dans le sud de la Syrie, près de la frontière jordanienne. Il y a quelques années, il abritait 1400'000 réfugiés. Chaque habitant y reçoit de l'argent pour la nourriture, avec la possibilité de travailler à l'extérieur du camp.
«Où allons-nous retourner? 90% des maisons sont détruites, la situation financière de la plupart des réfugiés ne leur permet pas de rentrer et personne ne sait ce qui se passera en Syrie», affirme Khaled Al-Zoobi, 72 ans, qui vit dans le camp depuis 2012. «Nous avons fui l'injustice et la tyrannie des gangs d'Assad en Syrie, où l'être humain n'avait aucune valeur. Ici, je sens que je suis un être humain, et je préfère rester», ajoute ce propriétaire d'un magasin en s'appuyant sur une béquille.
De plus, dit-il, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) ne fournit aucune aide pour les Syriens voulant rentrer. La famille de Radwan Al-Hariri, 54 ans, père de trois enfants et qui a 12 petits-enfants tous nés en Jordanie, confirme recevoir une aide financière mensuelle du HCR. Imam dans une mosquée du camp, il indique qu'en Syrie, «personne ne vous aide et il n'y a pas de travail. Tous ceux avec qui nous parlons là-bas nous conseillent de ne pas rentrer maintenant».
680'000 réfugiés depuis 2011
Roland Schönbauer, porte-parole du HCR en Jordanie, explique ces hésitations par «l'insécurité en Syrie qui demeure préoccupante, avec des combats armés dans certaines zones, et un nombre croissant de victimes civiles dues aux munitions non explosées». D'après l'ONU, la Jordanie a accueilli environ 680'000 Syriens enregistrés comme réfugiés depuis 2011, mais le royaume affirme en avoir accueilli 1,3 million. Selon les autorités jordaniennes, le nombre de Syriens ayant quitté la Jordanie via le poste-frontière de Jaber avec la Syrie a dépassé les 52'000 depuis la chute d'Assad.
Mariam Moussalma, 63 ans, va quitter le camp de Zaatari pour retourner au pays avec son mari et suivre leurs enfants rentrés après la chute du pouvoir. Mais elle dit être «triste de quitter Zaatari, devenu ma patrie», en montrant un jardin qu'elle a planté avec des rosiers et des pommiers. Mohammed Atmé, 50 ans, lui est ravi. «Il est temps de rentrer avec ma famille, je n'ai pas vu ma mère et mes frères depuis 13 ans.»