Malgré l'interdiction d'importation
Des tonnes d'or russe continuent d'affluer en Suisse

Considéré problématique à cause de ses conditions d'extraction, l'or permet à certains régimes autoritaires de rester au pouvoir grâce à sa vente. Malgré l'interdiction d'importation d'or russe en Suisse, des tonnes de ce métal précieux continuent d'arriver chez nous.
Publié: 22.11.2022 à 19:39 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2022 à 19:53 heures
La Russie est le troisième plus grand producteur d'or au monde. Ici, une de Blagodatnoye en Sibérie.
Photo: IMAGO/SNA
Sarah Frattaroli

Début août, la Suisse a interdit l’importation d’or russe sur son territoire. Pourtant, le métal précieux continue d’être importé sur le sol helvétique, et ce, en toute légalité. Rien qu’après l’interdiction de son importation, en août, 5,7 tonnes d’une valeur de plus de 312 millions de francs ont été transportées chez nous.

Comment est-ce possible? L’interdiction d’importation suisse ne porte en réalité que sur l’or exporté de Russie après le 4 août. Tout or parti du sol russe et entreposé ailleurs avant cette date continue d’être acheminé sans problème en Suisse.

Difficile d’identifier les raisons de telles importations ces derniers mois. Les gérants des grandes raffineries assurent d’ailleurs ne pas être à l’origine de la demande. «Une heure après l’annonce du déclenchement de la guerre le 24 février, nous avons interrompu toutes les transactions avec les entreprises et les banques russes», assure Robin Kolvenbach, co-dirigeant de la raffinerie d’or tessinoise Argor-Heraeus. Les autres grandes raffineries d’or suisses auraient pris la même décision.

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L’orpaillage à Dubaï

Les responsables de ces importations seraient les investisseurs privés. Ces derniers déplacent leurs lingots d’or russes de pays tiers vers la Suisse. Reste que les statistiques douanières sont trompeuses sur l’origine première de l’or. En pratique, lorsque les lingots sont refondus, ils reçoivent une nouvelle désignation d’origine qui peut occulter leur pays d'extraction initiale.

Cela explique comment des tonnes d’or sont importées chaque mois en Suisse en provenance des Émirats arabes unis, bien que le pays ne compte pas une seule mine d’or. Depuis des années, Dubaï fait l’objet de critiques récurrentes pour son orpaillage à partir de sources problématiques.

Jusqu’à présent, il s’agissait surtout d’or provenant de pays africains. Mais avec l’éclatement de la guerre en Ukraine, la Russie cherche, elle aussi, de nouveaux acheteurs. Le pays a produit 300 tonnes d’or l’année dernière, il est le troisième plus grand producteur au monde après la Chine et l’Australie. Il est peu probable que la production d’or russe ait diminué depuis le début de la guerre: son exportation permet aussi d’alimenter le trésor de guerre de Vladimir Poutine.

La Suisse est le plus important centre de transbordement d'or au monde. Ici, la raffinerie de Mendrisio dans le Tessin.
Photo: www.steineggerpix.com

L’ombre de l’or des nazis

À cause de la réputation douteuse de Dubaï comme lieu d’orpaillage, trois des quatre grandes raffineries d’or suisses n’acceptent plus d’or de ce pays depuis des années. Seule la raffinerie tessinoise Valcambi en achète encore.

Que l’or importé en Suisse soit directement estampillé en provenance de la Russie ou en vienne indirectement depuis Dubaï, ces transferts ont fait la une des journaux internationaux cet été. En cause, le passé peu glorieux de notre pays sur cette question: les banques et les raffineries d’or suisses ont déjà traité de l’or pour le régime nazi, les dirigeants de l’apartheid en Afrique du Sud ou les dirigeants de l’Union soviétique. Les critiques dénoncent l’entretien indirect de ces régimes qui avait ainsi été permis.

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