Aux armes, citoyens… Sur le terrain politique et démocratique! Emmanuel Macron l’annonce ce samedi 4 juin dans un long entretien à la presse régionale française: le Conseil national de la refondation qu’il propose de convoquer après les législatives des 12 et 19 juin (les électeurs français de l’étranger votent, eux, le 5 juin) inclura des citoyens tirés au sort.
Combien? Sur quels critères? Combien pèseront leurs opinions face aux élus, aux représentants des syndicats, aux responsables associatifs et aux entrepreneurs qui seront également conviés? Aucune précision n’est apportée. Mais une autre initiative a dessiné, en 2019-2020, les contours — positifs et négatifs — d’une prise de parole de Français ordinaires pour réformer le pays: la Convention citoyenne pour le climat composée, elle, de 150 citoyens tirés au sort et dont les résultats ont montré les limites de l’exercice.
Opération de communication
Opération de communication à la veille de législatives que le Chef de l’Etat français doit remporter avec sa coalition «Ensemble» s’il veut pouvoir gouverner durant ce second quinquennat? Bien sûr. Le choix de la presse régionale, porte-parole de la France provinciale, est éloquent. Les attaques portées contre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, présentés comme des «candidats de la soumission» en raison de leurs positions ambiguës vis-à-vis de la Russie, sont destinées à les décrédibiliser à la veille du scrutin.
Les initiales du futur Conseil national de la refondation, CNR, reprennent celles du Conseil national de la Résistance qui, durant la seconde guerre mondiale, fédéra les mouvements qui combattaient l’occupant nazi puis s’allièrent sous l’égide du Général de Gaulle pour reconstruire le pays et lui donner son Etat moderne, avec la sécurité sociale, un pilier républicain s’il en est.
Macron surjoue sa volonté d’écouter les Français
Oui, Emmanuel Macron communique et surjoue sa volonté d’écouter les Français, comme il l’avait fait après la crise des «gilets jaunes» en initiant le «Grand débat national» qui vit déferler des dizaines de milliers de «doléances», des contributions écrites de citoyens proposant des réformes, en plus des débats publics que le président transforma souvent en monologues interminables.
La proposition de «Conseil national de la refondation» est toutefois plus subtile. Elle ressemble, à bien des égards, à la conférence sur l’avenir de l’Europe qui s’est achevée le 9 mai… par un discours d’Emmanuel Macron au parlement européen de Strasbourg et dont l’Université de Genève a débattu lundi 30 juin. Cette initiative européenne, qui rassemblait élus, citoyens, représentants de la Commission européenne et des gouvernements, personnalités du secteur privé a été largement ignorée par les médias. Elle a pourtant produit un rapport contenant 49 propositions et plus de 320 mesures, dont l’abandon progressif de l’unanimité paralysante au sein de l’Union européenne. L’exercice a plutôt bien fonctionné.
Vu de Suisse: attention danger!
Il ne faut pas se leurrer. Attention danger! Vu de Suisse, où la démocratie directe fonctionne et permet au peuple de contrôler le gouvernement ou de réformer la Constitution, les tentatives françaises à base de citoyens tirés au sort ne sont guère alléchantes. La Convention citoyenne pour le climat, qui a débouché sur une loi récusée par une majorité de ses participants parce que trop peu ambitieuse, a laissé un goût amer.
Difficile aussi de croire qu’Emmanuel Macron va reculer devant une éventuelle opposition citoyenne à son projet de réforme des retraites qu’il a confirmé dans son entretien à la presse régionale. Celle-ci aura bien lieu. Elle sera votée avant l’été 2023. Avec pour objectif de passer l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ou 65 ans. Français, venez discuter: pendant ce temps-là, on décide pour vous!
Une bonne nouvelle quand même
La proposition de l’Elysée, taillée sur mesure pour les médias, est néanmoins intéressante. Elle confirme au moins qu’Emmanuel Macron n’a pas abandonné l’idée de réformer la France. Elle montre aussi qu’il a conscience du fossé qui le sépare du pays, malgré sa réélection récente avec 58,5% des suffrages. Elle tient compte enfin du système présidentiel de la Ve République, qui limite les pouvoirs de l’Assemblée nationale, mais associe trop le référendum au plébiscite pour consulter régulièrement les électeurs sur des sujets de société. Les citoyens tirés au sort ne devront donc pas être mis en concurrence avec les députés bientôt élus. Leur choix s’accompagnera d’ailleurs, sur le plan institutionnel, d’une réforme électorale destinée à introduire de la proportionnelle pour les législatives, ce qu’Emmanuel Macron n’a pas fait durant son premier mandat malgré ses promesses.
Il y a un peu d’oxygène démocratique dans cette «Conférence nationale de la refondation». Un peu. Une bonne nouvelle quand même, dans un pays fatigué de tout se voir dicter d’en haut: par le président, par Paris, par la haute administration. Bref, par tous ceux qui sont loin du peuple.