L'Ukraine et la RDC en alerte
«Ca commence à faire peur»: la lutte contre la tuberculose menacée sans l'USAID

La réduction de l'aide américaine menace la lutte mondiale contre la tuberculose. Des travailleurs humanitaires signalent déjà des impacts en République démocratique du Congo et en Ukraine, craignant une augmentation des cas et des décès.
Publié: 11.03.2025 à 17:29 heures
Des travailleurs humanitaires signalent déjà des impacts,
Photo: IMAGO/YAY Images

«Une situation chaotique»: l'arrêt de l'aide américaine aux programmes de lutte contre la tuberculose va faire bondir le nombre de cas et de décès dans le monde, avertissent des travailleurs humanitaires, l'un parlant de premières victimes par manque de traitements en République démocratique du Congo. Longtemps, les Etats-Unis ont été les principaux financeurs de la lutte mondiale contre la tuberculose, redevenue la maladie infectieuse la plus mortelle après avoir été brièvement dépassée par le Covid-19.

83% des programmes supprimés

Mais le président Donald Trump a gelé l'aide étrangère américaine après son retour à la Maison Blanche en janvier, interrompant brutalement le fonctionnement de nombreux programmes contre la tuberculose mais aussi contre le VIH ou la malaria. Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a annoncé lundi que 83% des programmes de l'agence de développement USAID, qui représentent une part conséquente de l'aide humanitaire mondiale, allaient être supprimés.

Le gel des versements aux programmes anti-tuberculose met en danger des «millions de vie», a averti le 5 mars l'Organisation mondiale de la santé, soulignant que les efforts mondiaux contre cette maladie infectieuse avaient sauvé 3,65 millions de vies rien qu'en 2024. D'ores et déjà, les coupes se répercutent fortement dans plusieurs pays, selon des organisations sur le terrain.

En plus du mpox

En République démocratique du Congo, beaucoup de travailleurs humanitaires en première ligne ont dû arrêter d'aider des malades de la tuberculose, a raconté à l'AFP Maxime Lunga, à la tête d'un groupe local appelé Club des Amis. Avant même le gel étasunien, il manquait des traitements anti-tuberculeux dans ce pays, également confronté à des flambées de mpox.

«Il y a une situation chaotique qui commence à faire peur ici», a confié Maxime Lunga, lui-même survivant de la tuberculose.

Il y a «beaucoup de coups de fil des malades qui nous demandent comment les aider à accéder aux soins», a-t-il raconté, et «nous savons que, parmi les malades sur liste d'attente, il y en a qui meurent maintenant parce qu'ils ne sont pas pris en charge.»

«
Les gens vont beaucoup souffrir
Olya Klymenko
»

En Ukraine, autre pays dévasté par la guerre où les niveaux de tuberculose sont élevés, un programme venait de démarrer dans les écoles pour informer sur les dangers de cette maladie lorsque les États-Unis ont décidé d'arrêter les frais. «Cet argent a été dépensé en vain», a déploré Olya Klymenko, dont l'organisation TB People Ukraine avait passé deux ans à préparer ce dispositif.

Sa crainte est que l'arrêt de l'aide américaine n'annule les progrès réalisés depuis qu'elle a surmonté la tuberculose, il y a dix ans. «Moi qui ai commencé à être traitée avec d'anciennes approches, je sais ce que nous avons perdu», a-t-elle déclaré à l'AFP. «Les gens vont beaucoup souffrir». Les organisations de Maxima Lunga et d'Olga Klymenko ont toutes deux reçu des fonds américains via le partenariat «Stop TB». Après une lettre du gouvernement américain sur l'arrêt du financement, fin février, cette organisation à but non lucratif basée à Genève a transmis la nouvelle aux 150 organisations de terrain testant, traitant et soignant les patients.

Rebondissement la semaine dernière: une nouvelle lettre «indique clairement que tout le travail doit reprendre comme prévu», a déclaré à l'AFP Lucica Ditiu, directrice exécutive de Stop TB. On ignore encore si cette décision est durable, ni quand de nouveaux fonds américains seront effectivement débloqués, a-t-elle poursuivi. Faute de tests et de traitements de cette maladie aéroportée, il y a un risque «d'effet boule de neige» mondial, selon cette experte.

Des résistances se développent

Il existe déjà des tuberculoses résistantes à la plupart des médicaments, et la crainte est désormais de voir apparaître un microbe imperméable à tout traitement «qui se propagerait dans l'air, et que nous pourrions attraper, vous et moi, nos familles et nos amis», a-t-elle averti. Les réductions de financement sont particulièrement «dévastatrices» après 2024, «meilleure année» contre la tuberculose, a noté Lucica Ditiu.

Une situation qui devient dangereuse en Europe

Selon une note interne à l'USAID, rédigée par un administrateur adjoint démis de ses fonctions depuis, la réduction de l'aide étasunienne ferait bondir d'environ 30% les cas de tuberculose, y compris ceux résistants aux antibiotiques. «Les États-Unis verront davantage de cas de tuberculoses difficiles à traiter à leur porte», alertait ce document publié dans le New York Times début mars. La situation est «très dangereuse, même pour l'Union européenne», a jugé une source humanitaire à Genève sous couvert d'anonymat, vu le risque lié aux tuberculoses antibiorésistantes en Ukraine et en Géorgie. 

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