Quel est son objectif?
Erdogan renforce ses liens avec Poutine et fait trembler l'OTAN

La Turquie est le premier membre de l'OTAN à vouloir rejoindre l'alliance anti-occidentale des pays du Brics. Qu'en est-il de l'adhésion à l'UE? Des experts expliquent quel est le véritable objectif d'Erdogan et pourquoi l'OTAN est irritée par ses plans.
Publié: 06.09.2024 à 06:02 heures
|
Dernière mise à jour: 06.09.2024 à 16:46 heures
Le président turc Recep Tayyip Erdogan cherche à se rapprocher de Vladimir Poutine.
Photo: AFP
RMS_Portrait_AUTOR_242.JPG
Guido Felder

Le président turc Recep Tayyip Erdogan provoque une fois de plus l'Occident: la Turquie veut rejoindre le groupe des pays du Brics (pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), dans lequel la Chine et la Russie donnent le ton. Problème: la Turquie est également membre de l'alliance militaire occidentale OTAN et elle souhaite en outre être admise dans l'UE.

En rejoignant les Brics, le président turc ne fait pas seulement pression sur l'Occident. Il mène aussi un projet ambitieux. Günter Maihold, expert des Brics auprès de la Fondation Science et Politique à Berlin, déclare à Blick: «La Turquie aspire à jouer un rôle politique mondial.» Ainsi, le pays veut d'une part se présenter comme une force d'ordre régionale, mais aussi être valorisée à l'échelle mondiale d'autre part.

C'est pourquoi elle cherche des possibilités d'acquérir un prestige international et d'être reconnue globalement par les grandes puissances dans ce rôle, explique Günter Maihold. «Les Brics représentent à cet égard un forum intéressant en raison du processus d'élargissement qui y a eu lieu.»

Pas d'adhésion à l'UE en vue

Ali Sonay, spécialiste de la Turquie à l'Université de Berne, ajoute: «Par ce positionnement, Ankara tente d'augmenter sa marge de manœuvre économique, mais aussi son importance géopolitique, afin d'obtenir certaines concessions – par exemple dans le cadre des négociations d'adhésion à l'UE ou du soutien américain aux groupes kurdes dans le nord de la Syrie.»

Ali Sonay part toutefois du principe que la méfiance de l'Occident envers la Turquie devrait augmenter en cas d'adhésion aux Brics. «Ainsi, les choses ne bougeront pas dans un avenir prévisible sur les sujets litigieux mentionnés», affirme l'expert.

En 2005, Ankara avait entamé des discussions avec Bruxelles en vue d'une adhésion à l'UE. Celles-ci sont toutefois au point mort. En cause: le démantèlement des droits démocratiques par Erdogan et le conflit avec Chypre, autre pays membre de l'UE.

L'OTAN est vigilante

Il devrait également y avoir des frictions si la Turquie devenait le premier membre de l'OTAN à intégrer les Brics. Le pays, qui a rejoint l'OTAN en 1952, possède l'une des plus grandes armées de l'alliance et dispose de deux importantes bases aériennes de l'OTAN, à Incirlik et à Konya.

En cas d'adhésion aux Brics, l'OTAN placerait la Turquie sous surveillance étroite. «Cela devrait soulever d'autres questions au sujet de la fiabilité. Après tout, la Turquie a déjà acquis le système de défense antimissile russe S-400, ce qui a conduit les États-Unis à retirer le pays du programme F-35 en 2019», précise Ali Sonay.

Un contrepoids à l'Occident

Depuis leur fondation, les Brics se sont élargis avec l'arrivée de l'Iran, l'Égypte, l'Ethiopie et des Emirats arabes unis. D'autres pays comme l'Indonésie, la Corée du Nord, la Thaïlande et le Venezuela sont également intéressés.

L'objectif de l'alliance est de faire contrepoids à la domination géopolitique et économique de l'Occident. Les pays des Brics souhaitent par ailleurs réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar américain en tant que monnaie de référence mondiale. Selon leurs propres indications, ils représentent jusqu'à présent 42% de la population mondiale, 30% de la surface terrestre mondiale et 24% de la performance économique mondiale. En 2020, les pays des Brics auront dépassé les pays du G7 en termes de part du produit intérieur brut (PIB).

Les Brics n'ont pas d'organes permanents, et ils agissent surtout lors de leurs sommets. Leur président change quant à elle chaque année. «Comme la présidence est actuellement assurée par la Russie, Moscou essaie d'aborder d'éventuels intéressés et de les tenir en haleine», indique Günter Maihold.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la