Ce texte, qui a créé de fortes tensions entre les socialistes et le parti de gauche radicale Podemos, alliés au sein de la coalition minoritaire au pouvoir, ferait de l'Espagne un des rares pays en Europe à permettre l'autodétermination du genre.
Le texte, a affirmé la ministre de l'Egalité Irene Montero lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil des ministres, permettra «de garantir l'égalité réelle et effective des personnes trans», ainsi qu'«un ensemble important de droits pour les personnes LGTBI, actuellement bafoués dans notre pays».
Selon une version préliminaire du projet que l'AFP a pu consulter, «toute personne de nationalité espagnole de 16 ans et plus pourra demander la rectification de la mention de son sexe inscrite au registre de l'état-civil».
En clair, cette loi permettra à une personne de faire changer son nom et son genre sur ses papiers d'identité si elle le souhaite, sans avoir à fournir de rapports médicaux ou à subir un traitement hormonal.
«Nous reconnaissons ainsi le droit à la libre détermination de l'identité de genre, nous nous engageons sur la 'dépathologisation', c'est-à-dire que les personnes trans ne seront plus considérées comme malades dans notre pays», a expliqué la ministre, membre de Podemos et farouchement en faveur de l'autodétermination en matière de genre.
C'est ce point en particulier qui a fait éclater les dissensions au sein du gouvernement: la numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo (socialiste), avait ainsi dit en février être «fondamentalement préoccupée par l'idée que le genre se choisisse sur la simple base de la volonté ou du désir, fragilisant les critères d'identité du reste des 47 millions d'Espagnols».
L'autodétermination du genre a été un sujet qui s'est «compliqué» ces dernières années, souligne Uge Sangil, présidente de la Fédération nationale des lesbiennes, gays, trans et bisexuels.
Dans un entretien mardi avec l'AFP, elle évoque notamment «des voix discordantes» provenant d'un «mouvement féministe exclusif», par opposition au féminisme inclusif qui défend les droits des transgenres. Un féminisme, selon Uge Sangil, qui «se rapproche plus du discours de l'ultradroite que des voix à gauche».
Les deux partis de la coalition ont fini par s'entendre en incluant un délai de trois mois entre le dépôt de la demande et sa validation par le requérant afin qu'il puisse confirmer sa décision de changer de genre.
Trois mois maximum après l'enregistrement de la requête, «la personne en charge du registre de l'état-civil devra convoquer la personne pour qu'elle ratifie sa demande et qu'elle certifie la persistance de sa décision», stipule le texte, qui prévoit également d'ouvrir cette possibilité aux 14-16 ans s'ils sont accompagnés tout au long du processus par leurs représentants légaux.
Avec cette loi, «je n'aurais pas eu à donner autant d'explications, je n'aurais pas eu à vivre cette honte quand un policier m'a demandé en se moquant ma carte d'identité... et plein d'autres choses encore que j'ai vécues», affirme Sandra Herrero Ventura, 23 ans.
Née Mario, Sandra a dû suivre une thérapie psychiatrique, un traitement hormonal à 17 ans, une vaginoplastie à 19 ans et a pu changer de nom à 20 ans grâce à un rapport médical attestant d'une «disphorie de genre».
Pour Urge Sangil, le pays modèle est l'Argentine, «où la démarche est beaucoup plus simple», et où depuis 2012 le changement se fait sur simple déclaration.
Au sein de l'Union européenne, les droits des personnes trans restent très variables.
En 2014, le Danemark a été le premier pays européen à accorder le droit à l'autodétermination de l'identité des personnes transgenres. La France, qui a été en 2010 le premier pays au monde à sortir le transsexualisme de la liste des affections psychiatriques, autorise depuis 2017 la modification de l'état-civil sans avoir «à justifier de traitements médicaux, opération chirurgicale ou stérilisation», mais moyennant une procédure devant les tribunaux.
(ATS)