L'Ukraine s'apprête à vivre des semaines angoissantes, peut-être même décisives pour la guerre. Certes, les Etats-Unis viennent de mettre en place un paquet d'aide de 61 milliards de dollars. Mais il faudra du temps avant que les armes et les autres aides n'arrivent. Et c'est précisément ce temps que le président russe Vladimir Poutine mettra à profit pour lancer une grande offensive, selon les observateurs. Des signes avant-coureurs de la grande attaque prévue sont déjà visibles.
Deux hauts responsables des services secrets ukrainiens ont déclaré au «Financial Times» que les attaques actuelles de la Russie sur des zones clés de la ligne de front ainsi que les attaques de missiles et de drones sur Kharkiv et d'autres villes d'importance similaire devaient être considérées comme un «décloisonnement du champ de bataille». Ils s'attendent une attaque fin mai ou en juin.
Les Russes cherchent des points faibles
Ralph Thiele, président de la société politico-militaire allemande et président d'Eurodefense Allemagne, confirme cette évaluation. «Une offensive par à-coups est déjà en cours sur la quasi-totalité des milliers de kilomètres de front. Elle vise à tester la solidité de la résistance par de nombreuses petites attaques et à rechercher les points faibles», déclare-t-il à Blick.
Apparemment, les Russes ont fait des découvertes à plusieurs endroits. Dans la région de Donetsk notamment, ils ont pénétré profondément dans les positions de défense ukrainiennes, explique Ralphe Thiele. «Une percée russe sur le front du Donbass semble possible.»
Un fournisseur de l'armée ukrainienne a déclaré au journal allemand «Bild» qu'il craignait une attaque sur Kharkiv «avec 20'000 à 40'000 hommes». Et il suppose que les Ukrainiens seraient alors forcés de décider s'ils veulent défendre le nord ou l'est – c'est-à-dire la région de Kharkiv ou le Donbass. Le fournisseur en est convaincu: «Défendre les deux, ce n'est pas possible.»
Du côté russe, on se montre sûr de la victoire et on travaille d'arrache-pied. Malgré l'aide de plusieurs milliards des Etats-Unis, l'Ukraine ne peut pas éviter la défaite, a déclaré depuis New York l'ambassadeur russe à l'ONU, Dmitri Polianski. Sur X, il s'est même montré plus menaçant: «Des milliers d'Ukrainiens vont passer au hachoir à viande.»
La peur en Ukraine
Du côté ukrainien, en revanche, l'optimisme a disparu. Les commandants sur le front sont alarmistes et évoquent même scénario d'horreur: «Jusqu'en octobre, les Russes conquièrent le Donbass, puis le conflit se gèle et nous devons négocier avec Poutine», a déclaré l'un d'eux à Blick.
Mais ce n'est pas tout, poursuit-il. Le commandant, qui souhaite rester anonyme, en est convaincu: «Les Russes nous obligeront à foncer sur vous, Européens, lorsque nous ferons partie de leur armée.» De telles déclarations sont toutefois souvent utilisées du côté ukrainien pour sensibiliser l'Occident et accélérer l'acheminement de l'aide.
Les observateurs neutres sont également inquiets
Que disent les observateurs neutres sur les chances de succès des Ukrainiens? L'institute for the Study of War, écrit à ce sujet: «La capacité de l'Ukraine à se défendre contre les opérations offensives russes dépend dans une large mesure à la fois de la fourniture d'une aide militaire par les Etats-Unis et des efforts de l'Ukraine pour restaurer les unités existantes et en créer de nouvelles.»
Les deux sont en bonne voie: il y a quelques jours, les Etats-Unis ont donné leur feu vert pour la livraison de milliards et l'Ukraine a abaissé à 25 ans l'âge d'entrée en guerre, contre 27 auparavant, afin de pouvoir recruter un demi-million de nouveaux soldats. La question est toutefois de savoir combien de temps il faudra pour que ces mesures portent leurs fruits.
Ralph Thiele est pessimiste en ce qui concerne l'Ukraine: «Sans munitions suffisantes et sans protection aérienne suffisante, des soldats ukrainiens épuisés se battent contre un adversaire bien supérieur en nombre et qui veut maintenant en découdre», explique-t-il.
Même si les succès russes ne sont pour l'instant que des succès tactiques, c'est-à-dire des victoires dans des combats isolés, cela pourrait être le début de la fin d'une résistance ukrainienne cohérente. «Si cela se poursuit, les agresseurs russes risquent de faire des percées significatives», conclut Ralph Thiele.