«L'Italie est forte quand elle est unie»
Draghi prêt à continuer, appelle sa coalition à serrer les rangs

Le Premier ministre italien Mario Draghi a annoncé mercredi qu'il était prêt à continuer. Condition: les partis de sa coalition doivent rentrer dans le rang autour d'un «pacte» de gouvernement, mis en péril par la défection la semaine dernière du Mouvement 5 Etoiles.
Publié: 20.07.2022 à 13:45 heures
Le Premier ministre italien Mario Draghi s'est dit prêt à continuer, à condition que les partis de la coalition serrent les rangs.
Photo: FABIO FRUSTACI

Arrivé à la tête de l'exécutif en février 2021 pour sortir l'Italie de la crise sanitaire et économique, Mario Draghi avait présenté sa démission le 14 juillet au président de la République Mattarella, qui l'avait aussitôt refusée.

Il estimait que son gouvernement d'unité nationale, allant de la gauche à l'extrême droite, n'avait plus de légitimité après la crise provoquée par la défection le même jour lors d'un vote-clé au Sénat du Mouvement 5 Etoiles (M5S), lui-même aux prises avec de fortes dissensions internes et une hémorragie de parlementaires.

Le discours de Mario Draghi mercredi matin devant le Sénat était donc fort attendu. Certains craignaient qu'il ne confirme d'emblée sa démission, mais il a au contraire indiqué qu'il resterait à la barre si sa coalition parvient à ressouder et éviter ainsi des élections anticipées.

«L'unique solution, si nous voulons encore rester en ensemble, est de reconstruire à partir de ses fondements ce pacte, avec courage, altruisme et crédibilité», a-t-il affirmé. «C'est ce que demandent les Italiens», a ajouté l'ex-chef de la Banque centrale européenne (BCE), fort des sondages affirmant que deux tiers des Italiens souhaitent que «Super Mario» reste à la barre. Un vote de confiance doit être organisé dans les deux chambres, mercredi au Sénat puis jeudi à la Chambre des députés, permettant de voir enfin clair.

Une Italie «unie»

Le Premier ministre a d'ailleurs fait un signe d'ouverture en direction du M5S, ardent défenseur du revenu minimum universel menacé par la droite, en le jugeant «important pour réduire la pauvreté bien qu'il puisse être amélioré». Il a aussi évoqué une autre mesure chère à son turbulent partenaire, l'introduction d'un salaire minimum légal: «C'est dans cette direction que nous devons avancer, avec les partenaires sociaux.»

«L'Italie est forte quand elle est unie», a-t-il martelé. Les défis domestiques (relance économique, inflation, emploi) et extérieurs (indépendance énergétique, guerre en Ukraine) auxquels l'Italie et l'UE sont confrontées «exigent un gouvernement vraiment fort et solidaire et un Parlement qui l'accompagne avec conviction», a-t-il affirmé.

Le banquier de 74 ans, lui-même jamais élu à une fonction politique, s'est montré particulièrement sévère avec les partis, qu'il a même directement interpellés: «Vous les partis et les parlementaires, êtes-vous prêts à reconstruire ce pacte? Etes-vous prêts à confirmer cet effort que vous avez fait durant les premiers mois et qui s'est ensuite affaibli?» «La réponse à cette question, ce n'est pas à moi que vous la devez, mais à tous les Italiens», a-t-il tancé.

Pour Francesco Galietti, fondateur du groupe de réflexion Policy Sonar, «Draghi a été très dur, mais il a recouru un peu à la carotte et au bâton». «L'idée de Draghi était de couper l'herbe sous le pied des 5 Etoiles», a-t-il analysé pour l'AFP.

«Nous voterons oui à la confiance»

Comme prévu, le centre et la gauche ont aussitôt confirmé leur soutien. «Si nous étions déjà convaincus ces derniers jours de renouveler la confiance au gouvernement Draghi, nous en sommes encore plus convaincus après l'avoir écouté», a tweeté le chef du Parti démocrate (PD, gauche) Enrico Letta.

«J'ai écouté, nous voterons oui à la confiance», a annoncé l'ex-Premier ministre Matteo Renzi, qui dirige la petite formation centriste Italia Viva.

Silence radio en revanche de côté de Forza Italia, le parti de droite dirigé par l'ex-Premier ministre Silvio Berlusconi, et de la Ligue, la formation d'extrême droite du tribun populiste Matteo Salvini, qui refusent de rester dans un gouvernement aux côtés des 5 Etoiles.

Quel que soit le résultat de ce feuilleton politique à l'italienne, l'agence de notation Fitch estime qu'il «est le symptôme d'une plus grande incertitude politique même si des élections anticipées sont évitées», rendant les réformes structurelles et fiscales encore plus difficiles.

Bruxelles et ses partenaires européens pressent aussi M. Draghi, gage de stabilité, de rester. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'est même fendu d'une tribune dans Politico intitulée «L'Europe a besoin de dirigeants comme Mario Draghi».

Les marchés scrutent aussi avec attention la situation: la seule éventualité d'un départ du chef de l'exécutif a ravivé les craintes d'une envolée des taux d'emprunt du pays, qui pourrait s'avérer explosive pour la zone euro. La dette de l'Italie s'était déjà retrouvée dans le viseur des marchés en juin lorsque la BCE avait annoncé son prochain tour de vis.

(ATS)

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