Mohammad Cheikh Rashed vit avec sa femme Mahin Khalaf et leurs trois enfants Eliwana, Chaled et Rany agés de six, trois et un an à Langenthal. Ils ont construit une nouvelle vie dans un appartement de trois pièces en périphérie de la ville bernoise. Il y a dix ans, le couple kurde a fui le nord-est de la Syrie à cause de la guerre civile pour se réfugier en Suisse et a déposé une demande d'asile.
Le service des migrations l'a rejetée, mais leur a accordé le statut d'«admis provisoire». Leurs enfants ont également obtenu ce statut et l'aînée, Eliwana, va au grand jardin d'enfants et parle maintenant bien l'allemand. Son père a terminé cet été son apprentissage d'employé de cuisine – en tant que troisième meilleur du canton de Soleure. Il montre fièrement une photo sur laquelle il fête son diplôme avec son maître d'apprentissage. En terminant sa formation, il a posé la première pierre de son avenir en Suisse.
«Nous n'avons pas de maison, pas de travail, pas de sécurité».
Mais depuis le changement de gouvernement dans son pays d'origine, cet avenir est incertain. Si la situation en Syrie se stabilise, la famille devra éventuellement rentrer. Le président de l'UDC Marcel Dettling l'a répété à Blick: «Les Syriens doivent tous rentrer, subito!». Des mots qui font peur à au père de famille: «En Syrie, nous n'avons pas de maison, pas de travail, pas de sécurité. Nos enfants ne connaissent pas ce pays.» Il ne comprend pas non plus l'appel du nouveau chef du gouvernement syrien, Mohammed al-Bashir, à ce que tous les réfugiés rentrent chez eux: «Où ces gens vont-ils vivre et travailler? Tout le pays est détruit».
On sonne à la porte. Son voisin Mustafa Khoia, également un Kurde syrien, passe prendre une tasse de café. Lui non plus ne veut pas retourner en Syrie. «J'ai appris l'allemand, je subviens seul à mes besoins et je me sens chez moi ici», dit-il.
La Syrie n'est pas une nation sûre. Même si les armes se taisent dans la capitale Damas, au nord, la Turquie et ses mercenaires syriens attaquent la région dominée par les Kurdes. En parallèle, le groupe rebelle islamiste HTS, qui a pris le pouvoir en Syrie, promet stabilité et calme.
Une situation pesante pour les réfugiés
Une promesse que le nouveau gouvernement ne tiendra pas, Mohammad Cheikh Rashed en est convaincu: «Au début, ce sera peut-être mieux, mais ensuite ce sera pire. C'est surtout en tant que Kurde qu'il faut avoir peur», dit-il. «Personne ne veut revenir en arrière et tout le monde a peur de devoir rentrer», confient les deux hommes. C'est notamment pour les demandeurs d'asile et les personnes admises à titre provisoire que la situation est extrêmement pesante. Plusieurs autres personnes concernées le confirment lors d'un entretien avec Blick.
Selon les derniers chiffres de la statistique de l'asile, environ 6000 personnes admises à titre provisoire en provenance de Syrie vivent en Suisse et peuvent y demeurer jusqu'à ce que la situation se stabilise dans leur pays d'origine. Lorsqu'on lui demande si les personnes admises à titre provisoire en provenance de Syrie doivent rentrer chez elles, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) répond: «Nous vérifions périodiquement si les conditions des admissions provisoires déjà existantes sont toujours remplies.»
Le SEM a stoppé les procédures d'asile
Un tel examen ne sera toutefois à nouveau possible que lorsque l'évolution de la situation en Syrie se dessinera. Le SEM a déjà interrompu les procédures et les décisions d'asile pour les réfugiés syriens. Mais que se passera-t-il si la situation en Syrie se stabilise vraiment? Dans tous les cas, un «examen de proportionnalité spécifique au cas d'espèce» sera effectué avant la suppression du statut. En d'autres termes, le SEM examinera si ces personnes sont intégrées et utiles à la Suisse. Il n'est pas encore clair si la famille Cheikh Rashed remplissent cette condition.
Indépendamment du fait qu'ils soient renvoyés ou non, Mohammad Cheikh Rashed souhaite la paix pour son pays. Mais cela lui semble difficile: «La guerre civile en Syrie va certainement continuer.» Pour lui, il est donc clair que son avenir et celui de sa famille sont à Langenthal. C'est pourquoi il veut trouver au plus vite un emploi fixe dans un restaurant et espère qu'ils obtiendront un jour un permis d'établissement permanent.