L'ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko a récemment fait l'objet de vives critiques. Alors que la guerre fait rage dans son pays, elle a passé le Nouvel An à Dubaï. Une vidéo la montre sur la plage d'un hôtel de luxe. «Ma fille et mes trois petits-enfants vivent à Dubaï», se défend Ioulia Timochenko dans une interview accordée au quotidien alémanique «Aargauer Zeitung». «Ils s'y sont installés avant le début de la guerre.» Elle ne les a pas vus pendant de nombreux mois. «C'était peut-être ma faiblesse humaine, mais ma fille et mes petits-enfants m'ont beaucoup manqué.»
Sur la guerre en Ukraine
La politicienne a été deux fois Première ministre de l'Ukraine. De février à septembre 2005 et de décembre 2007 à mars 2010. Elle s'est également présentée à l'élection présidentielle de 2019, mais a été battue par l'actuel président Volodymyr Zelensky. Ioulia Timochenko se souvient du 24 février 2022, lorsque la Russie a lancé son attaque: «Mon mari et moi étions dans notre maison. A cinq heures du matin, les explosions nous ont réveillés.» Ce matin-là, ils ont eu peur. «Cette peur s'est assez vite transformée en colère — et celle-ci, en volonté de se battre.»
Une défaite russe «inévitable»
L'ancienne Première ministre affirme ne pas avoir peur d'une offensive russe au printemps. «Le mythe selon lequel l'armée russe est la deuxième plus puissante du monde est détruit. Tout comme le mythe politique selon lequel la Russie est une superpuissance.» La politicienne est confiante, et qualifie même une défaite russe d'«inévitable».
Dans l'interview accordée à l'«Aargauer Zeitung», Ioulia Timochenko évoque aussi le président russe Vladimir Poutine, qu'elle a rencontré à plusieurs reprises. «Certains politiques et experts pensent qu'il est fou ou malade et que c'est ce qui le pousse à agir. Je ne partage pas cette opinion.» Ce qui motive Poutine, c'est le «mal sombre et rationnel», selon elle. L'objectif de Poutine ne serait pas la Crimée ou le Donbass. Pas même l'Ukraine. «Son objectif est le pouvoir. Dans le monde entier, pas seulement en Russie. Il veut saper la suprématie occidentale dans le monde.» Le but de Poutine est un nouvel ordre mondial, affirme-t-elle encore. «L'Ukraine n'est que le début.»
Le Kremlin responsable de son emprisonnement?
L'un des plus grands problèmes en Ukraine est la corruption. Le pays est considéré comme l'un des plus corrompus d'Europe. Le gouvernement actuel dirigé par Volodymyr Zelensky n'est pas le seul à être sous pression pour des affaires douteuses. Ioulia Timochenko aussi a déjà été condamnée pour abus financiers et a même été en prison pour cette raison. La Cour européenne des droits de l'homme a toutefois qualifié l'incarcération de l'ancienne Première ministre d'«arbitraire et illégale». En 2014, en plein milieu des émeutes de Maïdan, le Parlement ukrainien a modifié un article du code pénal afin que les actes pour lesquels Ioulia Timochenko avait été condamnée ne soient plus pénalement répréhensibles. Et la femme politique a été libérée.
Selon elle, son emprisonnement sous l'ancien président Viktor Ianoukovytch était motivé par des raisons politiques. Ce ne serait pas seulement ce dernier qui l'aurait mise en prison. «Sa main était guidée par le Kremlin», affirme-t-elle.
En matière de lutte contre la corruption, il y aurait néanmoins des progrès, estime encore Iioulia Timochenko. «Les dirigeants politiques sentent la pression de la société qui ne permet plus l'impunité telle qu'elle existait avant la guerre.» Le fait que les bureaucrates concernés aient été immédiatement licenciés après que les journalistes ont rendu publics les cas de corruption actuels est révélateur, selon elle.