Lettre de départ véhémente
Le diplomate russe démissionnaire veut que la Suisse le protège

Boris Bondarev a été diplomate russe pendant près de 20 ans, dernièrement en tant que conseiller de l'ONU à Genève. Sa démission très véhémente lundi 23 mai l'a propulsé au devant de la scène médiatique. Rejeté par le Kremlin, il demande désormais l'asile en Suisse.
Publié: 25.05.2022 à 08:51 heures
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Dernière mise à jour: 25.05.2022 à 13:46 heures
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Boris Bondarev a également publié sa lettre sur LinkedIn et Facebook.
Photo: LinkedIn
Fabian Vogt

Le conseiller russe de l'ONU Boris Bondarev a démissionné avec fracas lundi. Dans une déclaration d'abord publiée par l'organisation genevoise «UN Watch», il justifie son geste: «Pendant 20 ans, j'ai travaillé comme diplomate et j'ai vu différents changements d'orientation de la politique étrangère. Mais je n'ai jamais eu autant honte de mon pays que le 24 février de cette année.»

Sa vie ne sera sans doute plus la même après ce 23 mai. Avant de publier sa déclaration, Boris Bondarev était un diplomate inconnu du grand public. Sa dernière mission en date était celle de conseiller d'ambassade de la mission russe auprès de l'ONU à Genève. Mais depuis cette publication, il est devenu mondialement connu. De nombreux médias ont repris la lettre, d'une part à cause du ton véhément utilisé envers son pays, d'autre part parce qu'il est apparemment le premier diplomate russe à annoncer sa démission du service diplomatique. Ou en tout cas, le premier à le faire en des termes aussi incisifs. Interrogé par le «Tages-Anzeiger», l'homme de 41 ans a déclaré qu'il avait peut-être fait «une bêtise» en prenant cette décision. Il aurait toutefois fait mûrir cette dernière depuis le 24 février.

«Voulez-vous la guerre?»

Dans son interview accordé au média suisse alémanique, Boris Bondarev raconte les évolutions des instructions qu'il a reçues: «La centrale à Moscou nous a imposé dès l'année dernière de défendre des positions de plus en plus agressives. Je représente mon pays à Genève, mais en tant que diplomate, je dois en même temps essayer de trouver des solutions communes avec les organisations sur place. J'ai donc fait des contre-propositions en interne, mais tout était mis de côté et ignoré. En décembre, je n'en pouvais plus et j'ai posé la question en interne: 'Voulez-vous la guerre?'» On ne sait pas si cette question aura reçu une réponse et quelle en était sa teneur.

Le représentant russe ne cache pas sa peur et son inquiétude. Il ne sait pas quel sort lui réserve l'avenir et estime qu'il doit «rester quelque part, pour un certain temps». Il n'envisage absolument pas de retourner en Russie et espère que le gouvernement suisse l'aidera.

Le ministre des Affaires étrangères et président de la Confédération suisse Ignazio Cassis a fait savoir au Forum économique mondial (WEF) de Davos qu'il avait connaissance de la situation du politique russe. Si Boris Bondarev souhaite obtenir l'asile, il doit déposer une demande qui sera examinée individuellement. Il aurait les mêmes droit que n'importe quel autre requérant.

La guerre, un crime contre les Russes

Comment cet ex-diplomate russe a-t-il toutefois pu passer en l'espace d'une journée du statut d'ambassadeur zélé à celui d'ennemie public numéro un de Moscou? Les propos qu'il tient dans sa lettre d'adieu, notamment diffusée sur Twitter, n'y sont pas pour rien. Boris Bondarev y écrit que la guerre n'est pas seulement un crime contre les Ukrainiens, mais aussi contre les Russes: «Ce Z en gras efface tous les espoirs d'une société prospère et libre dans notre pays.»

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Il écrit plus loin que ceux qui mènent cette guerre ne veulent qu'une chose: «Rester éternellement au pouvoir, vivre dans des palais pompeux et de mauvais goût, voguer sur des yachts et posséder un pouvoir illimité, et jouir à jamais de l'impunité.» Pour y parvenir, ils veulent sacrifier autant de vies que nécessaire. Des milliers d'Ukrainiens et de Russes sont déjà morts pour cela.

Boris Bondarev écrit ensuite: «Je regrette de devoir admettre que les mensonges et le manque de professionnalisme au sein du ministère russe des Affaires étrangères n'ont cessé d'augmenter au cours des vingt dernières années.» Ces dernières années, la situation serait même devenue catastrophique. Au lieu d'informations, d'analyses et de rapports objectifs, les collaborateurs disposeraient aujourd'hui de matériel de propagande tel que les journaux soviétiques en publiaient dans les années 1930. «On a créé un système qui se trompe lui-même», déplore encore Boris Bondarev.

«La Russie n'a plus d'alliés»

Dans sa déclaration de démission, le conseiller de l'ONU mentionne tout particulièrement son chef, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov: «En 18 ans, il est passé du statut d'intellectuel bien formé, dont les collègues faisaient grand cas, à celui d'un homme qui fait constamment des déclarations contradictoires et menace le monde avec des armes nucléaires!»

Aujourd'hui, il ne serait plus question de diplomatie au ministère des Affaires étrangères, mais de mensonges, de haine et de bellicisme. «La Russie n'a plus d'alliés et personne ne peut être tenu pour responsable, si ce n'est sa propre politique impitoyable.» Boris Bondarev a confirmé l'authenticité de sa lettre à l'agence de presse Associated Press.

En réaction aux écrits de Boris Bondarev, l'organisation de défense des droits de l'homme Uno Watch a appelé tous les autres diplomates russes aux Nations unies - et dans le monde - à suivre son exemple et à démissionner. La mission russe à Genève ne s'est pas encore prononcée sur la démission d'un de ses compatriotes.

«Il a condamné les actions des dirigeants russes»

Le Kremlin a pris ses distances avec l'ex-diplomate après sa démission. «On ne peut probablement que dire ici que Boris Bondarev ne fait plus partie des nôtres, mais plutôt qu'il est contre nous», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov mardi à Moscou, selon un rapport de l'agence de presse Interfax.

«Il a condamné les actions des dirigeants russes - et les actions des dirigeants russes sont soutenues par pratiquement toute la population de notre pays. Cela signifie que ce monsieur s'est prononcé contre l'opinion généralement dominante de notre pays.»

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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