Les troupes sont à la frontière
La Turquie se prépare à combattre les Kurdes en Syrie

Selon les milieux officiels américains, la Turquie rassemble des troupes près de sa frontière avec les régions kurdes de Syrie. Alors que des négociations de paix ont récemment échoué, cette manœuvre fait craindre l'éclatement d'un conflit entre Ankara et Washington.
Publié: 18.12.2024 à 10:21 heures
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Dernière mise à jour: 18.12.2024 à 10:29 heures
La Turquie rassemble des troupes à la frontière avec les régions kurdes de Syrie. Que concocte le président Recep Tayyip Erdogan?
Photo: Anadolu via Getty Images
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Daniel Jung

La Turquie est en train de rassembler des troupes près de sa frontière avec les régions kurdes de Syrie. C'est ce que rapporte le «Wall Street Journal», qui cite des sources officielles américaines. Les forces sont concentrées à proximité de Kobané, non loin de la frontière Turco-Syrienne. Le conflit qui s'y trame pourrait conduire la nouvelle Syrie «à une première crise majeure», prévient Reinhard Schulze, islamologue et spécialiste du Moyen-Orient.

Selon les Américains, une invasion à grande échelle des régions tenues par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie pourrait être imminente. Et cette perspective préoccupe profondément Washington. Et pour cause. Environ 900 soldats américains sont stationnés dans la région kurde de Syrie.

Depuis la chute de Bachar el-Assad, les Kurdes sont sous pression. L'«Armée nationale syrienne», une milice soutenue par la Turquie, a d'ores et déjà bien avancé en territoire kurde et a même pris le contrôle de la ville stratégique de Manbij après de violents combats.

«Signal alarmant» à Kobané

Dans la ville frontalière de Kobané, des pourparlers sur un cessez-le-feu entre les Kurdes et les rebelles soutenus par la Turquie ont eu lieu dernièrement sous la médiation des Etats-Unis. Lundi, ils se sont finalement soldés par un échec. Les Kurdes en ont attribué la responsabilité à Ankara.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan songerait à utiliser les bouleversements en Syrie comme prétexte pour lancer une offensive militaire dans l'est de la vallée de l'Euphrate.
Photo: Anadolu via Getty Images

«L'échec des discussions à Kobané est un signal alarmant», déclare Reinhard Schulze. Pendant les pourparlers, la Turquie a procédé à un déploiement massif de troupes dans la région. «La menace est donc là après l'échec des discussions», souligne l'expert.

«Une situation délicate pour les Etats-Unis»

Alors que les Forces démocratiques syriennes (FDS) kurdes sont pour les Etats-Unis un partenaire important dans la lutte contre l'État islamique (EI), la Turquie les considère comme une émanation du Parti des travailleurs kurdes (PKK), et donc comme une organisation terroriste.

Le gouvernement turc souhaite absolument empêcher la formation d'un Etat kurde dans le nord-est de la Syrie. Selon Reinhard Schulze, les Syriens du PKK jouent un rôle prépondérant dans cette région, qui compte environ 4,5 millions d'habitants.

«Apparemment, Erdogan pense pouvoir utiliser les bouleversements en Syrie comme prétexte pour lancer une offensive militaire dans la vallée orientale de l'Euphrate», explique l'expert. «Pour les Etats-Unis, la situation est délicate, car ils ont équipé les FDS et ils doivent désormais veiller à ce que la Turquie, partenaire de l'OTAN, ne s'égare pas militairement.»

Trump évoque une «prise de contrôle hostile»

Le président élu des Etats-Unis Donald Trump a laissé entendre lundi que la Turquie avait orchestré la prise de contrôle de la Syrie par les rebelles islamistes. En Floride, il a ainsi déclaré devant des journalistes que «la Turquie a réalisé une prise de contrôle hostile sans perdre beaucoup de vies humaines», ajoutant qu'Ankara ava fait cela «intelligemment».

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Interrogé sur son intention de retirer ou non les 900 soldats américains actuellement stationnés en Syrie, Donald Trump a réagi de manière évasive: «Je ne veux pas que nos soldats soient tués.»

Ankara appelle Washington à «reconsidérer sa position»

Le gouvernement turc a déclaré ce week-end que le pays était prêt à soutenir les nouveaux dirigeants à Damas, en leur fournissant notamment une formation militaire.

La priorité absolue de la Turquie en Syrie est toutefois de débarrasser le pays des combattants «terroristes» kurdes, a souligné le ministre de la Défense Yasar Güler: «Nous l'avons exprimé à nos amis américains, a-t-il déclaré. Nous attendons d'eux qu'ils reconsidèrent leur position.»

Des intérêts économiques importants

Si une guerre ouverte devait avoir lieu, la Turquie la gagnerait probablement en raison de sa force militaire, explique Reinhard Schulze. «Mais une victoire serait probablement synonyme de coûts élevés». Une occupation complète de la province du nord-est ne serait pas envisageable compte tenu de la présence militaire américaine. La Turquie risquerait donc de se retrouver en état de guerre permanent.

«Etant donné qu'Erdogan veut avant tout servir sa clientèle nationaliste en Turquie, il devrait être difficile pour les Etats-Unis d'exercer une influence modératrice sur lui», prévient Reinhard Schulze.

Le comportement du nouveau régime à Damas sera en outre décisive. Si le gouvernement s'implique dans le conflit, celui-ci pourrait rapidement dégénérer en guerre majeur. Car selon Reinhard Schulze, des intérêts non-négligeables sont également en jeu, notamment le contrôle de la région de Deir ez-Zor – qui regorge d'importants gisements de gaz et de pétrole – ou encore l'accès à l'eau de l'Euphrate, fleuve très important de la région.

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