Une mère et sa fille, toutes deux violées par des soldats russes. Une mineure, victime d’abus sexuels. Une femme violée par un groupe de combattants russes. Ce sont les quatre (parmi tant d’autres) victimes dont s’occupe actuellement Kateryna Cherepakha, la présidente de l’association La Strada Ukraine.
Depuis 1997, le réseau d’associations européennes La Strada lutte contre les violences commises contre les femmes et les enfants et contre la traite d’êtres humains. Présente dans 23 pays, elle compte une division en Ukraine, dont l’activité a particulièrement augmenté depuis l’agression militaire de la Russie. «Ces problèmes ne disparaissent pas en temps de guerre», explique Kateryna Cherepakha. Ils sont, au contraire, plus difficiles à combattre et en forte augmentation.
Le SonntagsBlick a pu s’entretenir par téléphone avec la présidente de La Strada en Ukraine. Cette dernière a quitté sa ville natale de Kiev, mais ne souhaite pas indiquer où elle réside actuellement. «Les femmes jouent un rôle important dans la résistance contre la Russie, affirme-t-elle, il y a des journalistes, des infirmières, des femmes dans l’administration, des activistes, des assistantes sociales, des policières et aussi des militaires.»
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La violence sexuelle comme arme de guerre
Selon Sima Bahous, cheffe de l’ONU Femmes, l’agence des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, 80% de l’ensemble du personnel médical et social auxiliaire en Ukraine sont des femmes. Ce rôle de premier plan les rend également vulnérables.
La violence sexuelle est systématiquement utilisée comme arme de guerre pour affaiblir l’adversaire. Pour Kateryna Cherepakha, c’est pour cette raison que les femmes fonctionnaires sont également dans le collimateur de l’armée russe. «Le viol et les mauvais traitements infligés aux femmes constituent un déshonneur maximal pour l’adversaire», explique Carmen Scheide, historienne et spécialiste de l’Europe de l’Est à l’université de Berne. En s’en prenant aux femmes, on prouve que l’on a perdu tout respect les uns pour les autres.
La présidente de La Strada Ukraine avance que l’on ne sait pas encore combien de femmes ont effectivement été victimes d’agressions de la part des Russes jusqu’à présent. L’association s’occupe actuellement de douze victimes qui se sont manifestées via la hotline téléphonique d’urgence de l’organisation. «Parmi les survivantes de violences sexuelles, beaucoup se trouvent dans des zones occupées. Elles y sont bloquées sans accès au téléphone. Même si elles peuvent demander de l’aide, il est difficile, voire impossible, de leur apporter le soutien nécessaire.»
Un nombre élevé de cas non déclarés
Bien qu’elle pense que de plus en plus de cas seront mis en lumière dans les semaines et les mois à venir, l’activiste s’attend à un nombre élevé de cas non déclarés. Même en temps de paix, la violence sexuelle est rarement dénoncée, le sujet étant stigmatisé et tabou dans la société. De plus, les personnes concernées ont souvent honte, ce qui les empêche de parler.
En temps de guerre, de forts traumatismes physiques et émotionnels viennent s’ajouter aux violences sexuelles, développe Kateryna Cherepakha. «Les survivantes doivent d’abord se sentir en sécurité et assimiler les expériences traumatisantes qu’elles ont vécues. Ce n’est qu’ensuite qu’elles racontent ce qui leur est arrivé, même si, parfois, elles n’y parviennent jamais.»
La Strada fournit une aide psychologique, engage des poursuites contre les auteurs, sensibilise la société, cherche à lever les stigmatisations sur la violence sexuelle et sort les femmes de leur rôle de victimes. Mais les ressources de l’Ukraine sont épuisées par la guerre, les gens sont affaiblis, de nombreux spécialistes ont pris la fuite. Autant d’éléments qui poussent la militante à lancer un appel à l’étranger, y compris à la Suisse: «Regardez attentivement les femmes et les filles qui arrivent chez vous. Informez-les des offres d’aide. Soutenez les organisations qui offrent de l’aide aux femmes.»
Chaos aux frontières
La brutalité de l’armée russe ne serait pas le seul danger pour les femmes ukrainiennes. «Dans les situations de guerre, les forces criminelles prospèrent souvent de manière incontrôlable», souligne Carmen Scheide. «Cela laisse le champ libre aux réseaux de traite humaine, notamment des jeunes filles.»
La première vague de réfugiés en provenance d’Ukraine était encore un peu moins touchée, estime Doro Winkler, du service spécialisé dans la traite et la migration des femmes à Zurich. Au début de la guerre, les routes étaient plus sûres et la condition des gens meilleure. Aujourd’hui, c’est différent: «Après des semaines de conflit, des expériences traumatisantes, des pertes, la faim et sans ressources financières, les gens sont épuisés. Cela les rend vulnérables à l’exploitation.» L’affluence de réfugiés aux frontières avec la Moldavie et la Pologne rend également la situation chaotique.
Doro Winkler est formelle sur le fait qu’il existe déjà de premiers indices de trafic d’êtres humains: «Nous entendons parler de différents groupes, déguisés en bénévoles, qui promettent à la frontière polonaise des offres de travail particulièrement intéressantes en Suisse et en Turquie et proposent des possibilités de transport.» Certes, des flyers sont distribués aux fugitifs à la frontière pour les avertir de ces potentiels dangers, mais cela ne suffit pas. La spécialiste du bureau zurichois demande que des transports directs depuis les zones frontalières vers les pays respectifs soient mis en place par les gouvernements des pays concernés. Y compris la Suisse.
Numéros d'urgence
Police: 117 | Urgences médicales: 144 | La Main Tendue: 143
Adresses des lieux d'accueil
Centres d'accueil pour les femmes violentées et leurs enfants
Canton de Berne
Solidarité Femmes
Centre de consultation de Solidarité femmes région biennoise
Rue du Contrôle 12
2503 Bienne
Tél. 032 322 03 44
www.solfemmes.ch
Canton de Fribourg
Solidarité Femmes / Centre LAVI
Case postale 1400
1701 Fribourg
Tél. 026 322 22 02
www.sf-lavi.ch/
Centre de consultation LAVI
Boulevard de Pérolles 18A
1701 Fribourg
Tél. 026 305 15 80
https://www.fr.ch/sej/
Canton de Genève
AVVEC (ancien Solidarité Femmes)
Rue de Montchoisy 46
1207 Genève
Tél. 022 797 10 10
www.avvec.ch
Canton de Neuchâtel
SAVI (Service d'aide aux victimes)
Rue Daniel Jean-Richard 43
2301 La Chaux-de-Fonds
Tél. 032 889 66 49
savi.ne@ne.ch
Rue J.L. de Pourtalès 1
CP 2050
2001 Neuchâtel
Tél. 032 889 66 49
savi.ne@ne.ch
Association Solidarité Femmes
www.sfne.ch
Canton du Jura
Il n'existe pas de centre d'accueil au Jura. Les femmes victimes de violence peuvent s'adresse à Solidarité Femmes à La Chaux-de-Fonds. Le centre LAVI du Jura peut proposer d'autres ressources.
Canton de Vaud
Centre d'accueil MalleyPrairie
Chemin de la Prairie 34
1007 Lausanne
Tél. 021 620 76 76
www.malleyprairie.ch
ASTREE (Association de Soutien aux victimes de Traite Et d'Exploitation)
Ruelle de Bourg 7
1003 Lausanne
info@astree.ch
021 544 27 97/98
www.astree.ch
Canton du Valais
Foyer Point du Jour
Région de Martigny
Tél. 078 883 38 07
www.pointdujour.ch
L'Accueil Aurore
Région de Sion
Tél.027 323 22 00
accueil.aurore@bluewin.ch
Unterschlupf
Région de Brig
Tel. 079 628 87 80
info@unterschlupf.ch
En Suisse
Fédération des maisons d'accueil
https://frauenhaus-schweiz.ch
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(Adaptation par Louise Maksimovic)