Lundi, le porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, a voulu rassurer les femmes afghanes: «Elles n’ont pas à avoir peur», a-t-il déclaré dans une interview accordée à la «BBC». Il a affirmé que leur vie devait continuer comme si de rien n’était et que la scolarisation et les études leur seraient toujours accessibles. Beaucoup pensent pourtant que ces déclarations ne sont pas fiables.
Les images qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux parlent d’elles-mêmes: on y voit des hommes qui repeignent ou qui arrachent des panneaux d’affichage montrant des femmes sans voile à Kaboul par peur de la réaction des islamistes. Les blessures laissées par le dernier règne des talibans en Afghanistan, entre 1996 et 2001, sont encore vives. À l’époque, les femmes n’avaient plus été autorisées à travailler ou aller à l’école. Elles étaient enfermées dans les maisons où elles étaient victimes de violences domestiques et sexuelles.
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Quand fuir était la seule solution
Asma Rezaie est née en Afghanistan. Elle a échappé à ce triste destin lorsque sa famille a fui en Iran en 1990. Peu avant la chute du régime de la terreur en 2001, elle et sa famille sont retournés dans leur ville natale, à Herat, dans l’ouest du pays. Asma Rezaie est alors allée à l’école, a étudié les mathématiques et a travaillé à l’aéroport local.
La chute des talibans en 2001 avait marqué une nouvelle ère pour Asma Rezaie et de nombreuses femmes afghanes. Bien que des structures extrêmement patriarcales prévalaient encore dans de nombreuses régions du pays, les femmes se sont battues pour leurs droits, surtout dans les grandes villes. «Les femmes qui s’y trouvent sont médecins, artistes, politiciennes, journalistes», explique Alexandra Karle, directrice d’Amnesty International Suisse. C’est surtout la génération née après 2001 qui a pu mener une vie «normale» grâce aux combats précédents. «Pour ces filles, le monde est en train de s'effondrer.»
«Je pleure tous les soirs»
Pour Asma Rezaie, la situation s’est aggravée dès 2015, lorsque les talibans ont repris le pouvoir dans sa ville natale. Elle n’était plus autorisée à étudier, et il lui était également interdit de travailler. «Ils m’ont forcée à porter une burqa.» En décembre 2015, la jeune femme s’enfuit en Suisse pour échapper à ces conditions de vie.
Aujourd’hui, elle vit et travaille à Zurich. Avec son fiancé Ehsan Nazari, elle envisage son futur en Suisse. Elle est maintenant très inquiète pour sa famille, qu’elle a dû laisser derrière elle: «Ma famille et mes amis sont toujours en Afghanistan. Je pleure tous les soirs en pensant à eux». Ses contacts avec eux sont irréguliers. Il y a quelques jours, elle a parlé à une amie de sa mère. «Elle m’a dit: 'Je préfère tuer mes petites filles moi-même plutôt que de laisser les talibans leur mettre la main dessus'». Asma Rezaie en est convaincue: «Pour les talibans, les femmes ne sont pas des personnes, ce sont des choses». Si jamais elle a des enfants, elle aimerait bien les élever en Suisse.
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Les femmes perdent espoir
Au-delà des jeunes filles, les femmes connues du grand public sont particulièrement menacées par les talibans. Parmi elles, Zarifa Ghafari et Fatimah Hosseini sont toutes les deux coincées à Kaboul depuis le week-end dernier.
La première est la plus jeune femme maire du pays à Maidan Shahr, à 50 kilomètres au sud de Kaboul, et a été la cible d’au moins trois attaques par le passé. Elle se cache dans son appartement avec sa famille et a déclaré dimanche à «inews»: «Les talibans viendront chercher des gens comme moi et les tueront. Je suis assise ici à attendre qu’ils viennent». Pour Zarifa Ghafari, fuir et abandonner sa famille n’est pas une option envisageable. «Et de toute façon, où pourrais-je bien aller?», demande-t-elle.
Fatimah Hosseini rapporte également ce qu'il se passe depuis son appartement à Kaboul. Cette militante des droits des femmes et photographe irano-afghane met en lumière dans son travail l’identité et la féminité en Afghanistan. En tant que journaliste pour des médias occidentaux, elle craint désormais pour sa vie. Elle a affirmé à CNN: «Nous sommes en train de perdre notre espoir et notre avenir. Nous ne savons pas ce qui va se passer.»