L'épidémiologiste Antoine Flahault nous répond
Le métapneumovirus qui sévit en Chine peut-il devenir un nouveau Covid?

Alors que les cas de métapneumovirus humain (HMPV) augmentent au nord de la Chine, l'inquiétude règne: ce virus respiratoire peut-il se propager pour donner lieu à une véritable pandémie? Le spécialiste Antoine Flahault nous rassure.
Publié: 08.01.2025 à 18:07 heures
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Dernière mise à jour: 08.01.2025 à 20:10 heures
Alors que les cas de métapneumovirus humain augmentent en Chine, l'épidémiologiste Antoine Flahault écarte tout risque de pandémie mondiale de l'ampleur du Covid.
Photo: EPA
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Vos yeux se sont probablement écarquillés en découvrant le nom du métapneumovirus humain (HMPV) dans la presse internationale. Encore peu connu du grand-public, ce virus respiratoire attire actuellement beaucoup d'attention, dans la mesure où les cas sont en pleine augmentation, notamment au nord de la Chine.

Ainsi que le rappelle l'OMS, Le HMPV provoque le plus souvent des symptômes typiques de ceux d’un rhume (toux, maux de gorge, respiration sifflante, nez qui coule), mais peut, dans certains cas, causer des maladies plus graves comme la bronchite ou la pneumonie, notamment chez les personnes vulnérables ou les jeunes enfants.

Après la pandémie de Covid-19, chaque mention d'une «nouvelle» maladie contagieuse provoque une vague de crainte et ressuscite le souvenir angoissant de la pandémie, dont l'impact est loin de se laisser oublier. 

Mais le HMPV menace-t-il réellement de se transformer en véritable pandémie, de réinviter masques et confinement dans notre quotidien? Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, se montre rassurant: bien que l'arrivée d'un nouveau Covid-19 ne soit pas exclue, à terme, le SARS-CoV-2 représente un cas plutôt exceptionnel, réunissant des facteurs bien précis. Et le métapneumovirus humain est très loin de présenter le même risque. 

Antoine Flahault, à quel point doit-on craindre le métapneumovirus, qui sévit actuellement en Chine?
Je ne pense vraiment pas que l'on doive s'inquiéter de voir le HMPV prendre une ampleur semblable à celle du Covid. Il s'agit d'un virus ubiquitaire, qui peut se développer n'importe où, et qui existe depuis longtemps, notamment en Europe. Isolé en 2001 aux Pays-Bas, il n'est absolument pas nouveau et provoque régulièrement des vagues épidémiques de bronchiolites chez les enfants de moins de cinq ans. 

Alors pourquoi la situation actuelle semble-t-elle aussi alarmante, en Chine?
Le système médical chinois est différent du nôtre, dans la mesure où la médecine ambulatoire y est moins commune: la population a plutôt le réflexe de se rendre directement à l'hôpital, même pour des symptômes respiratoires, et les structures se retrouvent alors vite engorgées. Comme le HMPV peut être à l'origine de flambées assez fortes, la situation peut rapidement devenir compliquée. Il ne faut donc pas minimiser l'épidémie que vit actuellement la Chine, même s'il ne s'agit pas d'un virus émergeant qui pourrait déferler sur le monde entier. 

Cette augmentation des cas de HMPV n'est donc pas causée par une «mutation» d'un virus connu?
Non, mais il a certainement profité de la levée des mesures de protection liées à la pandémie. Le nombre de personnes et d'enfants n'ayant pas été exposés au HMPV et aux autres virus de l'hiver durant les différents confinements est donc plus important. La classe d'âge des patients dépasse celle des enfants de 5 à 10 ans, qui est celle qu'on observe d'habitude, et cela crée des conditions inhabituelles pour un virus qui revient généralement à la charge de façon annuelle. 

Quels facteurs doivent être réunis pour qu'une situation similaire à celle du Covid se reproduise?
Pour qu'une pandémie éclate, il faut l'apparition d'un nouveau virus. La famille des coronavirus était bien connue, mais le SARS-CoV-2 en lui-même était nouveau: il s'agissait d'une sorte de mutation qui ne circulait pas chez l'homme auparavant. Le même scénario a pu être observé avec le virus de la grippe, dont les mutations peuvent provoquer des pandémies, comme en 2009 avec le H1N1. L'avenir me contredira peut-être, ce n'est pas impossible, mais pour l'heure le HMPV n'est pas réputé pour produire des variants. 

Le risque de vivre une nouvelle pandémie n'est donc pas impossible...
Je dirais qu'une chose est quasiment certaine: nous allons connaître de nouvelles pandémies grippales. Il y en a toujours eu, au cours de l'Histoire. En 1918, c'était la grippe espagnole, en 1957 le virus H2N2, en 1968 la grippe de Hong-Kong, en 2009 le virus H1N1... En l'espace de moins d'un siècle, on a observé quatre pandémies de grippes et je suis persuadé que cela se reproduira. 

Mpox rentre-t-il aussi dans cette catégorie?
Oui, le virus mpox a donné lieu à une sorte de pandémie, quoique plutôt restreinte, en 2022. D'autres types de virus peuvent effectivement produire cet effet, mais ce sont les virus respiratoires qui risquent de se généraliser, de concerner toute la population. 

Parce qu'ils sont plus contagieux?
Absolument. On sait désormais que le Covid se transmet, dans la quasi-exclusivité des cas, par les fameux aérosols provenant des voies respiratoires. En d'autres termes, on attrape le Covid en ayant pénétré dans un endroit mal ventilé, dans lequel une personne contaminée a respiré, parlé ou toussé peu de temps avant. C'est une information très importante, car on pensait initialement que le contact avec des surfaces contaminées était également un moyen de transmission. Mais ce n'est finalement pas le cas pour les virus respiratoires. Le réflexe de se laver les mains est surtout important pour se prémunir des virus digestifs, comme la gastro, ou pour les transmissions potentielles à l'hôpital. 

Mais si j'ai bien compris, cela vaut pour tous les virus respiratoires. Qu'est-ce qui a fait du Covid un cas aussi exceptionnel, comparé aux autres pandémies que vous avez citées?
Le Covid présente un pouvoir de mutation extraordinaire dont l'ampleur n'a jamais été observée avec le virus de la grippe. Si les vagues de Covid s'étaient limitées à une ou deux, on aurait probablement vécu un scénario proche de celui du H1N1. Mais le Covid spontané (avant les vaccins) s'avérait beaucoup plus mortel que la grippe, ce qui a justifié les mesures de protection. Des études ont démontré que sans ces dernières, il y aurait probablement eu 80 millions de victimes supplémentaires. 

Il ne faut donc pas s'alarmer à la moindre évocation d'une flambée de virus respiratoires.
Il n'est pas exclu que nous revivions un jour une telle pandémie, c'est impossible à prévoir... mais ce ne sera en tout cas pas dû au métapneumovirus humain!

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