Le président russe, Vladimir Poutine, s'est rendu la semaine dernière dans d'anciennes républiques soviétiques. Il s'agissait de son premier voyage à l'étranger depuis qu'il a donné l'ordre d'envahir l'Ukraine le 24 février dernier. Le Tadjikistan et le Turkménistan, en Asie centrale, figuraient sur sa route. Bien qu'il y ait été snobé à son arrivée sur place, Vladimir Poutine jouait pour ainsi dire à domicile: il n'y est pas menacé d'ennuis.
Mais le président russe ne pourra pas voyager beaucoup plus loin. Son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lui a récemment donné un avant-goût de la façon dont est perçue la Russie dans le reste du monde. Début juin, celui-ci n'a pas pu se rendre en Serbie, où Poutine est par ailleurs très admiré. Plusieurs pays européens ont tout simplement refusé à Lavrov de survoler le pays.
Il y a un an, on se souvient que Poutine s'était encore rendu à Genève pour un sommet avec le président américain Joe Biden. Un tel voyage est actuellement impensable. Car bien qu'il n'y a pas de mandat d'arrêt en cours contre le président russe actuellement, cela pourrait changer.
Poutine n'est plus en sécurité partout
La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, aux Pays-Bas, a ouvert une enquête quelques jours seulement après le début de la guerre afin d'examiner des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés. En conséquence, Vladimir Poutine pourrait être arrêté s'il mettait le pied dans l'un des 124 Etats qui reconnaissent le tribunal.
Si ce dernier émettait un mandat d'arrêt international contre le président russe, Poutine pourrait être arrêté dans l'ensemble de l'UE, en Amérique du Sud, en Australie et dans une grande partie du centre et du sud de l'Afrique.
La Haye enquête déjà
Le tribunal pénal de La Haye peut demander à ce que toute personne soit jugée: cela vaut donc pour Vladimir Poutine aussi. Si ce dernier était inculpé et se rendait dans un pays ayant reconnu la Cour pénale, ce pays serait obligé de l'arrêter et de l'extrader vers le tribunal de La Haye.
Mais un tel mandat d'arrêt n'existe pas actuellement. L'Ukraine ne fait pas non plus partie des pays qui reconnaissent le tribunal. Kiev a certes signé les statuts de celui-ci, mais ne l'a jamais ratifié, tout comme la Russie, la Chine ou Israël.
Cela ne signifie pas que Poutine ne pourra jamais comparaître à La Haye, qui a déjà condamné de nombreux criminels de guerre. L'Ukraine a autorisé la Cour par une procédure spéciale à enquêter sur des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés à partir du 21 novembre 2013. L'annexion de la Crimée est donc également concernée.
Une recherche de preuves difficile
Le procureur en chef britannique du tribunal, Karim Khan, a commencé à enquêter dès le début de la guerre pour savoir où et par qui des crimes de guerres ont été commis. Les troupes ukrainiennes pourraient également être mises en cause. «Nous regardons toutes les parties, nous sommes indépendants et impartiaux», a assuré Karim Khan à la mi-mars sur la chaîne d'information CNN.
Personne ne bénéficie de l'immunité dans le conflit, a-t-il ajouté. Mais il sera difficile de prouver la culpabilité de Vladimir Poutine dans les crimes de guerre. Certes, il est le commandant en chef des forces armées russes, mais comment obtenir des informations fiables sur les ordres qu'il donne vraiment ou non? On le voit avec les spéculations sur son état de santé, les informations peuvent partir dans tous les sens.
Massacre à Boutcha
Pour obtenir un mandat d'arrêt contre Poutine, il faut donc prouver qu'il a ordonné directement des actions considérées comme des crimes de guerre. D'après le juriste allemand Volker Boehme-Nessler dans un entretien avec T-Online, des indices pourraient par exemple être fournis par des interrogatoires de généraux capturés ou des messages radio interceptés.
Une piste qui pourrait interpeller les enquêteurs serait par exemple l'hommage rendu aux troupes russes présumées responsables du massacre de civils à Boutcha. Début avril, les corps de centaines de civils ont été retrouvés dans cette banlieue de Kiev. Quelques semaines plus tard à Moscou, Vladimir Poutine a reçu la 64e brigade motorisée qui était en mission dans la région. A cette occasion, il a félicité les militaires pour leurs «actions accomplies et déterminées».
Ces propos pourraient être «un élément constitutif d'une enquête», a déclaré le juriste. Mais des décennies peuvent s'écouler avant qu'un mandat d'arrêt ne soit émis. Et un pays doit encore avoir le courage d'arrêter Poutine et de l'envoyer à La Haye.
Une révolte au Kremlin comme seule solution?
Le prochain voyage du président russe officiellement prévu serait le sommet du G20 en novembre en Indonésie. Selon des sources proches du Kremlin, Vladimir Poutine aurait accepté l'invitation. Mais le Premier ministre italien, Mario Draghi, a fait savoir, en marge du sommet du G7 à Elmau, en Allemagne, que le président indonésien avait exclu que Poutine se rende personnellement au sommet.
Les obstacles sont donc nombreux pour avant que Poutine ne se retrouve un jour sur le banc des accusés pour crimes de guerre. Reste une possibilité, dont l'histoire témoigne à maintes reprises: une révolte de palais à Moscou. Une nouvelle autorité russe pourrait faire elle-même le procès de Poutine ou l'extrader vers La Haye. C'est ce qui s'est produit après la guerre des Balkans dans les années 1990: des décennies après la fin des combats, des meneurs ont ainsi été condamnés à des peines de prison.
(Adaptation par Thibault Gilgen)