Plus de 100 jours après le début de la guerre, Moscou concentre son offensive dans cette région du Donbass dans l'espoir d'en prendre totalement le contrôle. Il s'y joue une «guerre d'usure», sur le long terme, selon le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.
«Des unités de l'armée ukrainienne, ayant subi des pertes critiques lors des combats pour Severodonetsk (jusqu'à 90% dans plusieurs unités), se retirent vers Lyssytchansk», une grande ville voisine, a affirmé le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
Il n'a pas donné d'indication sur le nombre de militaires ukrainiens qui battraient en retraite vers Lyssytchansk. L'AFP n'a pas été en mesure de vérifier ces déclarations de source indépendante.
Un peu plus tôt dans la journée, le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, avait reconnu que «la situation dans toute la région» était «extrêmement difficile».
«Les combats se concentrent actuellement à Severodonetsk car (...) l'armée russe a jeté tout son poids et ses réserves» dans cette bataille, a-t-il ajouté dans une interview postée sur ses réseaux sociaux officiels.
«Des premières informations indiquent qu'ils ont réussi à prendre le contrôle de la majeure partie de la ville. Mais nos forces les repoussent maintenant», a-t-il assuré.
Zone industrielle
Les «opérations sont en cours dans la zone industrielle de Severodonetsk. Les combats de rue se poursuivent», avait précisé samedi matin le service de presse de la présidence ukrainienne.
Les forces russes ont pour objectif affiché de contrôler l'intégralité du grand bassin minier du Donbass, dont des forces séparatistes pro-russes appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014.
La ville de Severodonetsk, avec celle voisine de Lyssytchansk, situées à quelque 80 km de la capitale administrative régionale ukrainienne de Kramatorsk, est une agglomération-clé pour y parvenir. Severodonetsk comptait avant la guerre quelque 100.000 habitants.
«Au moins six tours d’habitation ont été endommagées à Severodonetsk et à Lyssytchansk» et «il y a eu quatre morts et un blessé» dans des attaques russes dans la région orientale de Lougansk, selon la présidence ukrainienne.
Vendredi, le gouverneur de la région de Lougansk avait affirmé que les troupes russes n'avaient «pas entièrement pris le contrôle» de Severodonetsk et étaient même contraintes de reculer.
Eviter un autre Marioupol
Et à l'instar du président ukrainien, il avait réclamé des armes lourdes pour éviter ce qui s'est produit à Marioupol. Ce port stratégique sur la mer d'Azov (sud-est) a été dévasté par les bombardements avant d'être conquis le 20 mai malgré une longue résistance dans la zone industrielle de la ville.
Après 100 jours de guerre, la Russie a affirmé vendredi avoir rempli certains des objectifs de «l'opération militaire spéciale» qu'elle a déclenchée le 24 février pour - selon ses propres termes - «dénazifier» l'Ukraine et protéger sa population russophone.
«La victoire sera nôtre», a rétorqué le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une vidéo.
Outre la région de Severodonetsk, les combats continuaient de faire rage samedi sur les autres fronts.
Dans la région de Kherson (sud), «des habitants ont quitté le village de Trudolyubivka» et les forces russes «continuent de bombarder les territoires occupés et les positions de l'armée ukrainienne», a assuré la présidence ukrainienne, mettant en garde contre une crise humanitaire dans les zones sous contrôle russe.
Toujours dans le Sud, Kiev a fait état d'un missile de croisière russe qui a frappé une entreprise agricole dans le grand port d'Odessa: «des entrepôts ont été endommagés». Selon les premières informations, l'attaque a fait deux «victimes» mais la présidence n'a pas précisé s'il s'agissait de personnes tuées ou blessées.
«Mercenaires étrangers»
De son côté, le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, a fait un point samedi sur les dernières opérations.
Moscou affirme ainsi avoir détruit un «point de déploiement de mercenaires étrangers» près de Datchnoe, dans la région d’Odessa, et deux centres de commandement ukrainiens et six dépôts de munitions dans les région de Donetsk et Lougansk.
L’armée russe assure également avoir frappé avec des missiles un centre de formation d’artilleurs ukrainiens près de Stetskovka, dans la région de Soumy, où des «instructeurs étrangers ont formé des militaires ukrainiens à l’utilisation d’obusier M777».
Selon Moscou, l’aviation et l'artilleries russes ont frappé de nombreuses concentrations de troupes et de matériel ukrainiens lors des dernières 24 heures.
Quatre militaires volontaires étrangers dont un Français ont été tués en combattant l'invasion russe en Ukraine, a par ailleurs annoncé samedi la Légion internationale de défense de l'Ukraine, organisme officiel des combattants volontaires étrangers.
La Légion a cité les noms d'un Néerlandais, d'un Australien, d'un Allemand et d'un Français sans préciser la date ni les circonstance de leur mort.
Depuis l'invasion de l'Ukraine, l'armée russe a triplé la portion de territoire ukrainien qu'elle contrôle: avec la péninsule de Crimée et les territoires occupés du Donbass et du sud de l'Ukraine, la Russie contrôle désormais près de 125.000 km2, selon le président Zelensky.
Le président français a répété vendredi qu'il ne fallait «pas humilier la Russie» «pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques».
Des propos qu'a fustigés samedi le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba, jugeant que cette position ne pouvait «qu'humilier la France».
«Nous ferions tous mieux de nous concentrer sur la façon de remettre la Russie à sa place. Cela apportera la paix et sauvera des vies», a déclaré M. Kouleba dans un tweet.
Le président français est l'un des rares dirigeants internationaux qui essaie d'entretenir un dialogue avec le président russe Vladimir Poutine.
Paris apporte un soutien financier et militaire à l'Ukraine, mais Emmanuel Macron ne s'est pas encore rendu à Kiev tandis que nombre de ses homologues européens l'ont déjà fait.
Aide humanitaire
La situation restait par ailleurs très fragile dans les zones bombardées par les russes et reprises par les forces ukrainiennes, comme à Horenka, en périphérie de Kiev (nord-ouest), où a eu lieu vendredi une distribution d'aide humanitaire
Hanna Viniychuk, 67 ans, pleure en expliquant avoir tout perdu: «Quand l'appartement a été bombardé, je n'ai presque rien pu emporter et maintenant c'est trop cher de prendre le bus, donc je suis venue chercher dans les locaux de la mairie des produits de première nécessité».
Tetyana Shepeleva, responsable de la communauté de Horenka, distribue l'aide humanitaire: «On a une liste de gens qui ont besoin d'aide gérée par l'armée, environs 5.000 personnes actuellement».
Elle montre les cartons de l'Unicef entassés jusqu'au plafond: «Il y a des draps, des matelas, des plats préparés par le réseau World Center Kitchen. Les gens n'ont rien et tentent toujours d'avoir un peu plus».
(AFP)