C’était un projet brassant des milliards. Nord Stream 2, le gazoduc posé au fond de la mer Baltique et long de 1230 kilomètres, relie la Russie au nord de l’Allemagne depuis l’année dernière. Depuis octobre, il est même rempli de gaz.
Cependant, depuis trois semaines maintenant, la société d’exploitation Nord Stream 2 SA, dont le siège est à Zoug, est insolvable. Depuis que la filiale du groupe public russe Gazprom a été placée sur la liste des sanctions appliquées par les Etats-Unis, elle n’est plus en mesure de payer ses factures.
Swisscom se retire en vitesse
Cela concerne également Swisscom. L’entreprise de télécommunications fournissait à la société zougoise des raccordements Internet ainsi qu’au réseau fixe, et l’aidait à assurer sa sécurité informatique.
Nos collègues du Sonntagsblick ont ainsi appris que, jusqu’au 24 février, jour de l’attaque russe contre l’Ukraine, Swisscom avait même mis à disposition une équipe d’assistance informatique. Les collaborateurs de Swisscom ont quitté le bâtiment le jour même, laissant le site web et les adresses e-mail inutilisables.
Pourquoi cette précipitation? Interrogée, Swisscom a fait remarquer que si l’entreprise manquait à suivre ou appliquer les sanctions, elle risquait elle-même d’être visée. Un porte-parole souligne: «Swisscom et ses fournisseurs doivent suspendre leurs prestations en raison des sanctions, mais nous profitons d’éventuels délais de transition pour garantir un retrait aussi harmonieux que possible avec les clients concernés.»
Swisscom sera-t-elle un jour payée pour ses prestations? La réponse est hautement incertaine.
«Cette situation ne pourra pas rester figée»
Quant au fait que Nord Stream 2 SA soit complètement paralysée, ce n’est pas sans conséquences pour le pipeline. Le monitoring et la maintenance ne sont plus assurés. Sascha Müller-Kraenner, directeur fédéral de l’Aide allemande à l’environnement, voit cela avec inquiétude: «La situation actuelle autour de Nord Stream 2 est problématique et ne pourra pas rester figée éternellement de la sorte.»
Près des côtes allemandes, c’est le ministère de l’Économie du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale qui est responsable de la surveillance du pipeline. Dans le reste de la mer Baltique, c’est l’Office fédéral allemand de la navigation maritime et de l’hydrographie (BSH). Sascha Müller-Kraenner critique le fait que ni l’une ni l’autre de ces autorités ne se montre vraiment responsable. «Apparemment, personne n’a réfléchi à ce qui doit se passer maintenant.»
Personne ne veut se prononcer
Le BSH confirme cette impression auprès de Sonntagsblick. Personne ne veut se prononcer sur les perspectives du pipeline. Le ministère de l’Économie du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale se défend toutefois contre ce reproche. «Il n’y a aucun souci concernant la sécurité et l’intégrité des conduites remplies de gaz», nous assure-t-on.
Interrogé sur les perspectives du pipeline, le ministère révèle toutefois une certaine perplexité. «La durée d’utilisation du pipeline était prévue à 50 ans», explique un porte-parole. Un démantèlement après la mise hors service aurait été «à prévoir selon les dispositions légales alors en vigueur».
Un démantèlement nécessaire tôt ou tard
Pour Sascha Müller-Kraenner, il est clair qu’un démantèlement sera nécessaire «tôt ou tard», comme le stipulent les dispositions de l’exploitation du pipeline. Selon l’autorisation, c’est Nord Stream 2 SA qui devrait en assumer la charge.
Si la société d’exploitation est insolvable, c’est Gazprom qui serait tenu de le faire. «Et si Gazprom refuse de prendre en charge le démantèlement, le pipeline devra être placé sous administration judiciaire», explique Sascha Müller-Kraenner. En d’autres termes: le sort de Nord Stream 2 n’est absolument pas clair.