Le pays retient son souffle
Des milliers de Serbes convergent vers Belgrade

La Serbie se prépare à un rassemblement massif à Belgrade ce samedi, dans un contexte de tensions croissantes. Des dizaines de milliers de manifestants sont attendus pour protester contre la corruption.
Publié: 10:05 heures
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Dernière mise à jour: 14:29 heures
Les rues de Belgrade vont accueillir une manifestation explosive ce samedi.
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Des milliers de Serbes ont commencé à converger vers le centre de Belgrade samedi en mi-journée pour une manifestation qui s'annonce massive après des mois de contestation contre la corruption.

Face à un rassemblement qui pourrait être le plus important des dernières décennies, le pouvoir a rassemblé ses soutiens. Vendredi soir, ils étaient déjà des dizaines de milliers - 31'000 selon le ministère de l'Intérieur, à accueillir dans une ambiance festive les manifestants venus à pied, en vélo ou en tracteur de toute la Serbie.

Des manifestations quotidiennes

Les manifestations s'enchaînent dans le pays depuis l'accident de la gare de Novi Sad le 1er novembre, qui a fait 15 morts, lorsque s'est écroulé l'auvent en béton du bâtiment tout juste rénové.

La colère a explosé, les manifestants voyant dans cet accident la preuve d'une corruption qui selon eux entache les institutions et les travaux publics. De semaine en semaine, le mouvement est devenu l'un des plus importants de l'histoire récente de la Serbie, avec des manifestations quotidiennes.

Mais les rassemblements se sont tendus depuis que le gouvernement a accusé les protestataires d'être payés par des agences étrangères, de préparer des actions violentes voire une révolution, notamment lors de la mobilisation de samedi dans la capitale.

«Je ne laisserai pas la rue dicter les règles»

La situation a même fait réagir l'ONU, qui a appelé les autorités serbes à ne pas «interférer indûment» dans la manifestation et à «respecter l'exercice complet des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'expression».

«Nous sommes un pays extrêmement démocratique», a répondu dans la soirée de vendredi, lors d'une allocution, le président serbe Aleksandar Vucic, affirmant: «Nous ferons tout ce que nous pouvons pour sécuriser le rassemblement. Et d'ajouter aussitôt: Pour être clair, je suis le président de ce pays, et je ne laisserai pas la rue dicter les règles.»

Libérer la Serbie

Pendant que le président parlait, des dizaines de policiers anti-émeutes étaient visibles dans le centre de Belgrade. «Il n'y aura pas de violences», assurait, confiante, Tijana Djuric, une étudiante de 20 ans venue accueillir les manifestants, «parce que nous sommes tous ici pour la même raison, pour attendre ceux qui sont venus à pied, ceux qui libèrent la Serbie».

Dans un communiqué diffusé sur les réseaux, les étudiants ont appelé à manifester «dans le calme et de façon responsable». «L'objectif de ce mouvement n'est pas l'incursion dans des institutions, ni d'attaquer ceux qui ne pensent pas comme nous (...) Ce mouvement ne doit pas être utilisé à mauvais escient», ont-ils écrit.

La tension monte

La manifestation doit commencer à 16h (15h GMT) devant le Parlement et se disperser à 21H. Le gouvernement a annoncé vendredi après-midi l'arrestation de six militants soupçonnés de préparer «des actes contre l'ordre constitutionnel et la sécurité de la Serbie». «On voit déjà depuis quelques jours que le régime essaie de faire monter les tensions», analyse Srdjan Cvijic, du Belgrade Centre for Security Policy.

Ainsi, des dizaines de tentes sont apparues devant le bâtiment de la présidence: un campement de soutiens présentés comme des étudiants réclamant de retourner en cours. Mais des militants ultranationalistes connus ont été aperçus entre les tentes, et des dizaines de tracteurs se sont installés autour.

«Ce que tout le monde se demande, continue Srdjan Cvijic, c'est si le gouvernement va essayer de créer des situations de violence pour ensuite avoir une excuse pour décréter l'état d'urgence».

Une manifestation calme?

«Jusqu'à présent, on a vu un mouvement qui n'est pas du tout violent (...) je pense que les manifestants garderont leur calme», estime le chercheur. «Je crois que le 15 mars démontrera l'insatisfaction profonde des étudiants et des citoyens», avance Maja Kovacevic, présidente de la faculté de sciences politiques de Belgrade.

«À cet égard, je pense que ce sera une date importante, mais je ne crois pas qu'on doive suggérer que ce sera une sorte de tournant dans le mouvement, ou qu'il y aura un scénario de type '6 octobre' par la suite», poursuit la professeure, dans une allusion au 6 octobre 2000, lendemain d'une manifestation qui précipita la chute de l'ex-président Slobodan Milosevic.

A l'époque, «la situation sociale, économique et internationale était très différente», abonde Srdjan Cvijic, citant notamment le fort soutien international aux manifestants de l'époque. Il estime cependant «qu'on peut imaginer une situation ou cela marquerait le début de la fin» pour le pouvoir actuel.

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