Le maître de l'ombre
Voici l'homme responsable du chaos en Autriche

Toutes les accusations et suspicions dans l'affaire Sebastian Kurz convergent vers un bureau: celui de Thomas Schmid. Qui est cet homme qui aime son chancelier et qui prend soin de rester toujours discrètement en retrait?
Publié: 09.10.2021 à 14:53 heures
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Thomas Schmid est considéré comme le cerveau des arrangements douteux avec le journal «Österreich».
Photo: Georg Wilke
Tobias Ochsenbein, Jocelyn Daloz (adaptation)

La carrière du chancelier autrichien Sebastian Kurz ne tient plus qu’à un fil. Son gouvernement est acculé par de (très) nombreuses affaires de corruption, dont certaines impliquent le dirigeant du pays alpin lui-même. L’une d’entre elles concerne la conclusion d’accords douteux avec le journal «Österreich». Selon le Bureau du procureur général pour les affaires économiques et la corruption, les faits remontent jusqu’en 2016.

À l’époque, Sebastian Kurz était encore ministre des affaires étrangères et d’ores et déjà considéré comme le grand espoir du Parti populaire autrichien (ÖVP), le parti conservateur vacillant. Ses partisans élaboraient un plan pour prendre le pouvoir. Le soutien de médias de grande envergure faisait partie de ce plan.

C’est là que Thomas Schmid entre en jeu. Le politicien de 45 ans était considéré comme l’homme le plus puissant du département autrichien des finances. Il y a gravi les échelons de manière vertigineuse, a été chef de cabinet sous trois ministres des finances, avant de devenir secrétaire général. On murmurait que le vrai ministre des finances, c’était lui, agissant dans l’ombre.

C’est également dans l’ombre qu’il serait devenu l’intermédiaire entre l’ambitieux et jeune Sebastian Kurz et le grand journal «Österreich». Selon les reproches qui lui ont été adressés, c’est aussi lui qui aurait puisé dans les caisses de l’État pour financer les campagnes du chancelier en devenir.

«Celui qui paie, crée»

Thomas Schmid aurait pris contact avec le propriétaire et éditeur de «Österreich», Wolfgang Fellner, et lui aurait dicté comment ses journaux devaient traiter les nouvelles concernant Sebastian Kurz. Wolfgang Fellner aurait accepté de bon gré. Et en effet, les journaux ont été particulièrement dithyrambiques dans leur éloge de Sebastian Kurz lors de sa campagne présidentielle. Un extrait des chats publié par le Bureau du procureur général montre un SMS de janvier 2017, dans lequel Thomas Schmid écrit à l’actuel attaché de presse de Sebastian Kurz: «Je ne suis jamais allé aussi loin que ce que nous avons fait. Un investissement génial. Et Wolfgang Fellner est un capitaliste. Celui qui paie, crée. J’adore ça.»

Le Bureau du procureur général affirme que Sebastian Kurz et son entourage ont reçu de Wolfgang Fellner des avantages de nature tant immatérielle que matérielle. En contrepartie, la couverture bienveillante dans «Österreich» aurait rapporté à l’éditeur une énorme somme sous la forme de 1,1 million d’euros de publicités avalisées par Thomas Schmid et Sebastian Kurz. Et tout cela aux frais du contribuable.

L’homme de l’ombre

Une autre anecdote concernant Thomas Schmid circule dans les médias autrichiens. L’histoire est la suivante: il aurait tenté expliquer à un attaché de presse du ministère des finances qu’il fallait payer pour de la publicité dans le journal gratuit de Wolfgang Fellner, sans quoi ils n’obtiendraient pas la couverture. Indigné devant le manque de séparation entre la publicité et le contenu, l’attaché de presse aurait protesté: «Mais il doit bien y avoir encore quelque chose comme une rédaction (dans ce journal, ndlr)». Ce à quoi Thomas Schmid aurait répondu sans ambages: «Eh bien, je n’en suis pas si sûr. Je n’en suis pas si sûr.»

Le Tyrolien aime agir dans l’ombre. Son bureau est très peu meublé, selon les personnes qui lui ont rendu visite. Il n’y a pratiquement aucun objet personnel, à l’exception d’une petite figurine de Storm Trooper des films «Star Wars». Et les fans de la saga de science-fiction vous le diront: dans les films, les Stormtroopers sont les soldats de l’Empire, loyaux et obéissants, qui agissent sans conscience. C’est ainsi que Thomas Schmid se voyait, lui aussi.

«J’aime mon chancelier»

Les personnes qui le connaissent disent que c’est une personne très réservée et sociable avec laquelle on peut avoir une conversation agréable. Mais il a aussi une autre facette, dévoilée par la publication de ses messages de groupe. Avec ses messages embarrassants, condescendants et inhumains, il se montre cynique, sans scrupule et farouche défenseur de Sebastian Kurz.

D’ailleurs, un message qu’il a envoyé à ce dernier le montre: «J’aime mon chancelier», disait le message. Peu de temps après, Sebastian Kurz l’a nommé à la tête de la holding d’État Österreichische Beteiligung AG (Öbag). «Vous obtiendrez tout ce que vous voulez, d’une façon ou d’une autre», a écrit le chancelier Kurz à Schmid à l’époque.


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