Le Kashmir en éruption
Inde-Pakistan: pourquoi personne ne peut arrêter l'escalade

Le Premier ministre indien Narendra Modi a promis de traquer les terroristes islamistes présumés responsable du massacre de 26 touristes dans la région disputée du Cachemire. Une traque qui a dans le viseur son voisin nucléaire: le Pakistan.
Publié: 08:13 heures
1/5
Le Premier ministre indien a promis de traquer les terroristes islamistes présumés responsables de la tuerie du Cachemire.
Photo: AFP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Narendra Modi n’est pas, pour rien, le leader que toutes les grandes puissances courtisent. Le Premier ministre indien est aujourd’hui considéré comme incontournable en Asie du Sud, et au-delà. Son pays, peuplé de 1,4 milliard d’habitants, est considéré comme le prochain géant. L’entendre promettre une traque impitoyable contre les terroristes islamistes présumés responsables de la tuerie survenue le 22 avril dans le Cachemire indien doit donc faire réfléchir. Et cela a de quoi inquiéter.

La question est en effet moins, ces jours-ci, la résurgence de l’animosité entre l’Inde et le Pakistan que l’incapacité des grands pays, Etats-Unis inclus, à stopper l’escalade en cours après la mort de 26 touristes indiens au Cachemire – une région disputée quadrillée par l’armée de New Delhi. L’attentat a été revendiqué par le Front de résistance, une organisation islamiste. En représailles, l’Inde a annoncé la fermeture de l’unique point de passage terrestre entre les deux pays ainsi que la suspension du traité de partage des eaux du fleuve Indus, qui date de 1960. Cette dernière mesure a été qualifiée d'«acte de guerre» par le Pakistan.

Modi, courtisé par tous

Narendra Modi, 74 ans, est le dirigeant que tous les chefs d’Etat courtisent. Sa rhétorique nationaliste hindoue ne pose plus de problèmes aux capitales occidentales, comme le prouve la vente par la France de 26 avions de chasse Rafale, pour un contrat de 6,6 milliards d’euros. Modi vient en plus d’accueillir dans son pays le vice-président américain J.D. Vance, dont l’épouse est d’origine indienne. Et il est aussi en très bons termes avec Vladimir Poutine, auquel il achète du pétrole, compte tenu du son refus d’appliquer les sanctions américaines et européennes contre Moscou.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

De l’autre côté de la frontière, le Pakistan est aussi ingérable, et difficilement arrêtable en cas d’escale. Le Premier ministre Shehbaz Sharif a aussitôt convoqué le 24 avril une rare réunion du comité de sécurité nationale, pour répondre aux accusations de l’Inde, selon laquelle Islamabad est le sponsor du «terrorisme transfrontalier». Le Pakistan, qui détient l’arme nucléaire depuis 1998, est sorti grand vainqueur des décennies de guerre civile en Afghanistan, où les interventions étrangères successives ont échoué. L’actuel régime des Talibans lui doit beaucoup, même si les chasses aux migrants originaires de ce pays, dans la région frontalière de Peshawar, sont en train de compliquer la donne.

Le Pakistan, soutenu par la Chine

Plus sérieux sur le plan géopolitique: le Pakistan s’est récemment rapproché de l’Arabie saoudite avec laquelle il a signé deux accords en février 2025, sur les dérivés pétroliers et sur l’approvisionnement en eau. Autre protecteur du pouvoir d’Islamabad: la Chine (qui contrôle une partie du Cachemire), dont les relations avec l’Inde sont mauvaises. Pékin mise beaucoup, pour son accès au Moyen-Orient, sur le port de Gwadar inauguré en 2007 dans la province du Baloutchistan.

Résumé rapide de ces tensions indo-pakistanaises: personne ne dispose d’un frein pour calmer le jeu entre ces deux puissances nucléaires. Le risque d’embrasement régional est dès lors très important, avec en arrière-plan la mémoire de la guerre de 1947-1948, lors de l’accession du continent à l’indépendance. Elle est connue sous le nom de première guerre du Cachemire car c’est dans ces contreforts de l’Himalaya, aussi superbes que dangereux et convoités, que les hostilités éclatèrent. Un second conflit armé a ensuite opposé New Delhi et Islamabad dans cette région en 1965.

Suppression de l'autonomie

Il s’était soldé par environ 10'000 morts et une division du Cachemire qui mine les relations entre les deux pays. Le Pakistan continue d’y réclamer l’organisation d’un référendum refusé par l’Inde, qui considère la région comme l’un de ses territoires inaliénables, et y a supprimé toute forme d’autonomie en 2019. Sous règne de l’hindouisme sectaire et triomphant de Narendra Modi, ce paradis touristique connu pour le fameux lac Dal peut donc à tout moment basculer dans un engrenage de violence.

Cité par «Le Monde Diplomatique», l’essayiste Prem Shankar Jha avait ainsi réagi à l’abrogation de l’article 370 de la Constitution indienne, qui garantissait l’autonomie de l’Etat du Jammu-et-Cachemire par décret présidentiel, au milieu de l’été 2019: «Commencera alors une guerre longue et sanglante qui verra le terrorisme s’étendre au reste de l’Inde, où les points faibles ne manquent pas. Le pays, pour y répondre, se transformera en Etat policier. Les faux combats soigneusement mis en scène se multiplieront. Les musulmans en seront les principales victimes. Pour l’Inde telle que nous l’avons connue jusqu’à ce jour, ce sera le début de la fin.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la