George Kohlrieser est un ancien négociateur américain et s'inquiète de la situation alors que l'armée israélienne vient de pénétrer sur la bande de Gaza. L'homme a participé à la libération de plus d'une centaine d'otages. Pour Blick, il revient sur la situation en Israël, et explique pourquoi, le Hamas est prêt à tout. Interview.
George Kohlrieser, le Hamas retient 150 personnes en otage à Gaza. Avez-vous déjà vu une chose pareille?
Non, le conflit est entré dans une autre dimension. Parmi les otages, il y a beaucoup d'enfants et de femmes. C'est le pire des cauchemars pour une équipe de négociateurs. Quand je vois à la télévision des parents supplier pour la libération de leurs enfants, j'ai les larmes aux yeux, même si je suis entraîné à contrôler mes émotions.
Est-ce que l'un des 150 otages de Gaza survivra?
Certains s'échapperont, mais tous ne survivront probablement pas. La situation à Gaza finira par dégénérer, comme lors de la guerre en Irak, où des otages ont été exécutés en public. En tant que négociateur lors de prises d'otages, il faut toujours faire preuve d'optimisme. Ici, je dois avouer que c'est difficile.
Quand pensez-vous qu'il y aura une escalade?
Cela dépend entièrement de qui tire les ficelles en coulisses. Dans une prise d'otages normale, la première chose à faire est de découvrir ce que veulent les ravisseurs. Là, le vrai problème, c'est que nous ne savons toujours pas ce que le Hamas veut vraiment. Peut-être que l'organisation veut faire libérer ses combattants, comme en 2011 où 1027 hommes du Hamas avaient été échangés contre le soldat israélien Gilad Shalit. C'est sans doute pour cela qu'aucun des otages n'a encore été exécuté et ça donne un peu d'espoir. Mais a priori, ce que le Hamas veut aussi, c'est terroriser les gens et se venger.
Le Hamas a menacé de publier des vidéos d'exécutions. Quelle est l'objectif?
De telles vidéos pourraient attirer des psychopathes et permettre de recruter de nouveaux combattants. Mais ces vidéos susciteraient une indignation extrême et mettraient le Hamas dans une position difficile.
Pensez-vous que le Hamas traite les otages israéliens différemment des otages internationaux?
Ils devraient traiter les étrangers plus impitoyablement que les Israéliens, afin de provoquer d'autres réactions à l'étranger. Ils ont déjà tué tellement de civils qu'il y a, je déteste le dire, une certaine banalité concernant la mort d'Israéliens.
Combien de temps la prise d'otages va-t-elle durer?
L'approvisionnement en eau et en nourriture de Gaza est coupé. La pression humanitaire est extrême. Personne ne sait combien de temps Gaza et le Hamas pourront se passer d'eau et de nourriture. Ce qui est clair, c'est que les habitants de Gaza sont désormais tous otages du Hamas, même si personne ne leur met une arme sur la tempe.
Supposons que nous sachions ce que veulent les ravisseurs, comment négocie-t-on avec le Hamas?
La base de toute négociation d'otage est de faire des concessions. On regarde ce que veut la partie adverse et on essaie de faire un pas vers elle. Pour les deux parties, la vie des otages doit avoir une grande valeur, sinon elles rompent les négociations. Le grand danger est le suivant: le Hamas semble accorder peu ou pas de valeur à la vie de ses otages.
La stratégie habituelle pour désamorcer une prise d'otages ne fonctionne donc pas avec le Hamas?
Dans une prise d'otages, l'objectif premier est de trouver quelqu'un avec qui il est possible discuter. Si l'on ne trouve personne, la catastrophe menace.
La Suisse n'a toujours pas déclaré officiellement le Hamas comme organisation terroriste. Le pays serait-il le médiateur idéal?
En effet, la Suisse est bien placée pour jouer le rôle de négociateur dans cette prise d'otages, en raison de sa neutralité. Mais si la Suisse déclare officiellement le Hamas comme organisation terroriste, il deviendra plus difficile pour le pays de s'asseoir à la table des négociations.
Vous avez vous-même été pris en otage à quatre reprises. Avez-vous des conseils pour survivre à ça?
Même les hommes du Hamas ont ce besoin humain de lien social. Ce ne sont pas non plus tous des psychopathes endurcis qui ne ressentent plus aucun sentiment humain. Posez des questions aux ravisseurs: que penserait votre mère de ce que vous faites? Bien sûr, si la mère soutient le Hamas, on a un double problème. Mais la grande majorité des mères ne veulent pas que leurs enfants tuent.
Donc si l'on veut survivre, il faut simplement être «aimable» avec les ravisseurs?
Il y a deux témoignages de femmes israéliennes libérées qui ont préparé de la nourriture, servi du thé et dit à leurs ravisseurs qu'elles voulaient apprendre l'arabe. Cette façon d'aller vers les ravisseurs, c'est ce qu'on appelle le syndrome de Stockholm, quand les otages créent un lien avec ceux qui les retiennent. Je suis sûr que la dame qui a préparé le repas des ravisseurs ne l'a pas fait de bon cœur, mais par pur instinct de survie. Toutefois, dans la plupart des cas, le syndrome de Stockholm disparaît immédiatement après la libération.
Comment garder espoir dans une situation aussi désespérée?
Je recommanderai à tous les otages de Gaza de rester optimistes. Demandez-vous: qu'est-ce que je vais faire quand je sortirai d'ici? Pensez aux personnes que vous aimez. Que feraient-ils s'ils étaient dans cette situation? Cela peut aider. Et si vous êtes croyant, priez.
Les otages devraient-ils tenter de s'enfuir?
Bien sûr! S'ils voient une échappatoire, ils devraient y aller. Il faut évaluer le risque et être ensuite capable, sur un coup de tête, de prendre effectivement la fuite.