En Argentine, c'est un curieux personnage qui a le plus de chances de remporter les élections présidentielles de dimanche. Javier Milei a déjà recueilli plus de 30% des voix lors des primaires. Il appartient au parti La Libertad Avanza («La liberté avance») et fait campagne avec une tronçonneuse. Elle est le symbole de sa volonté de couper et d'écarter tous ceux qui ne lui conviennent pas.
Sa stratégie électorale? La provocation. Il voudrait abolir l'État, à l'exception de la sécurité et de la justice. Il s'oppose à l'introduction de nouvelles taxes, souhaite libéraliser les drogues, le droit sur les armes et le commerce privé d'organes, privatiser le système éducatif et ouvrir le pays à une immigration sans limites. Il souhaite en revanche limiter l'avortement: celui-ci devrait en effet être interdit à ses yeux.
Le Trump de l'Argentine
Il est comparé à l'ancien président américain Donald Trump et à l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro. Il nie le changement climatique causé par l'homme et qualifie les politiciens actuels de «caste politique» composée de «politiciens inutiles et parasitaires» qui «n'ont jamais travaillé». Pour lui, le pape François est un «danger communiste». Il se qualifie lui-même d'«anarcho-capitaliste».
A ses côtés, l'actuel ministre de l'Économie Sergio Massa représente l'alliance de centre-gauche et Patricia Bullrich l'opposition de droite. Le président actuel Alberto Fernández, au pouvoir depuis quatre ans et sous lequel l'inflation a augmenté de près de 140% sur une année, ne se montre plus. Il ne se représente pas non plus aux élections.
Populaire auprès des jeunes
Comme l'Argentine se trouve dans une crise profonde avec des taux de pauvreté et d'inflation élevés, la population réclame un changement. Aux yeux de Susanne Käss, directrice du bureau argentin à l'étranger de la Konrad-Adenauer-Stiftung, proche de la l’Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU), Javier Milei a de bonnes chances de remporter les élections. La directrice s'attend à un second tour le 19 novembre. «Il incarne la colère des gens contre l'élite politique actuellement au pouvoir et son discours anti-système trouve des oreilles attentives, surtout chez les jeunes électeurs», analyse-t-elle.
Il n'est toutefois pas certain que Javier Milei puisse s'imposer comme président. «Même avec de très bons résultats électoraux, son parti La Libertad Avanza ne disposera pas d'une majorité à la Chambre des députés et au Sénat. Cela dépendra, pour toutes les initiatives nécessitant l'approbation du Parlement, d'alliances ad hoc soit avec Juntos por el Cambio, soit avec Unión por la Patria.» Cela lui coûtera des sympathies au sein de son électorat, auprès duquel il marque des points surtout grâce à son discours contre la «caste» dirigeante.
Susanne Käss ne pense pas qu'il soit le bon président pour l'Argentine: «Javier Milei n'a rien à dire sur de nombreux sujets et ne dispose pas d'une équipe suffisamment compétente.» Sergio Massa n'est pas non plus une option: avec lui, tout continuerait probablement comme avant.
La Chine courtise l'Argentine
Pour Susanne Käss, Patricia Bullrich est la meilleure option. «De mon point de vue, l'Argentine a besoin d'un président ou d'une présidente qui a de l'expérience pour gouverner, qui a un plan concret et une bonne équipe et qui, surtout, peut créer des majorités stables pour les réformes urgentes et nécessaires.»
L'Argentine dispose d'un grand potentiel, notamment dans les domaines de la production de denrées alimentaires, d'énergie – y compris les énergies renouvelables – et de matières premières. Susanne Käss en est convaincue: «Le pays peut ainsi devenir un partenaire très important pour les pays européens également, si les conditions-cadres pour les investissements sont stables.»
Jusqu'à présent, Pékin a financé des investissements dans l'infrastructure du pays sud-américain à hauteur de près de 24 milliards de dollars. Peu avant les élections, la Chine a encore débloqué 6,4 milliards de dollars. «Elle a reconnu depuis longtemps le potentiel du pays», soumet Susanne Käss.