L'industrie automobile européenne a crié victoire un peu tôt: la voiture électrique ne fonctionne pas encore. Du moins, pas comme l'avaient décrété les politiques et d'innombrables organisations, et comme l'avaient prévu les patrons du secteur automobile.
La panique est telle qu'un membre du conseil d'administration de BMW exige des voies d'autoroute réservées aux voitures électriques, et que l'association de lobbying des constructeurs allemands demande même l'interdiction de la vente d'essence et de diesel pour 2045.
Tous au vert, et pourtant...
Moins d'une décennie a suffi pour mener la dernière compétence industrielle clé d'Europe au bord du gouffre. Souvenons-nous: il y a quelques années, c'était devenu une sorte de sport médiatique pour les PDG de se surpasser mutuellement avec des prédictions sur la fin des véhicules à combustion. Tous voulaient être considérés comme innovants, orientés vers l'avenir en étant 100% écologiques.
Le patron de VW, Herbert Diess, s'est particulièrement distingué en doublant le rythme de transformation initial. Sa dernière annonce était de passer à 70% de part électrique dans la production d'ici 2030. C'était en 2021. Mais un an plus tard, Herbert Diess faisait dékà partie de l'histoire du groupe VW. Notamment parce qu'il s'était déjà avéré à l'époque qu'il avait mis en place le plus grand constructeur automobile d'Europe de manière beaucoup trop unilatérale. Aujourd'hui, le groupe envisage, pour la première fois de son histoire, des fermetures d'usines.
Mais voilà. Diriger un constructeur automobile est à peu près aussi exigeant que de manœuvrer un pétrolier à toute vapeur sur un parcours de slalom. Il faut développer des innovations et des modèles, construire des usines et les adapter. Tout cela prend plusieurs années. Rien n'est possible à court terme. Mais les patrons européens de l'automobile se sont tous laissés gagner par l'engouement pour l'électrique.
Seul le patron de BMW, Oliver Zipse, a osé s'opposer au courant dominant et a ordonné une ouverture technologique, ce qui lui a valu les moqueries, voire la condamnation, des analystes boursiers et des journalistes. BMW dispose aujourd'hui non seulement d'usines plus flexibles que la concurrence, mais vend également ses modèles électriques avec plus de succès.
Des erreurs d'appréciation difficiles à expliquer
En fait, il faut se demander quel était le travail effectué à l'époque dans les départements commerciaux des constructeurs. Des analyses de clients étaient-elles effectuées? Quoi qu'il en soit, les erreurs d'appréciation de l'époque sont difficiles à expliquer. Les voitures électriques «bon marché», longtemps attendues et enfin disponibles, sont encore nettement plus chères qu'une voiture à combustion comparable – et cela devrait rester le cas dans un avenir proche. Dans la plupart des pays européens, le prix de l'électricité s'avère au moins aussi volatil que le prix de l'essence.
La pratique montre en outre qu'il n'est guère possible d'économiser de l'argent sur l'entretien et les réparations, malgré la complexité effectivement moindre de la propulsion électrique. C'est l'une des raisons pour lesquelles les grandes entreprises de location de voitures ont considérablement réduit leur parc de véhicules électriques.
Enfin, la voiture électrique comporte un risque considérable en termes de valeur résiduelle. Le marché des voitures d'occasion est actuellement rempli des premiers retours de leasing, pour lesquels il n'y a pratiquement pas de demande. Cela s'explique d'une part par les progrès fulgurants de la technologie des batteries, et d'autre part par des réserves justifiées.
En effet, la batterie d'une voiture électrique dont la garantie a expiré pourrait s'avérer défectueuse à l'improviste. Il faut toutefois mentionner que l'on trouve sur le marché de l'occasion des Tesla ayant parcouru 300'000 kilomètres ou plus. Si tout se passe bien sur le plan technique, une voiture électrique d'occasion peut donc être une bonne affaire.
L'utilité pratique plutôt que morale
Malgré tout, l'avenir de la mobilité individuelle appartient à l'électrique. Toutefois, le rythme de la transformation doit être étroitement coordonné avec la faisabilité pratique – ce qui implique des réseaux électriques et des stations de recharge suffisamment développés, ainsi que la volonté du client. Celle-ci dépend toujours principalement de considérations dures en matière de coûts et d'avantages.
La plupart des fabricants ont reconnu depuis longtemps qu'il faudra peut-être plus de temps que ce que la politique veut imposer. Mais les premiers signes sont là. Des véhicules initialement conçus comme des modèles purement électriques, comme la Fiat Grande Panda, seront désormais également disponibles dans une variante à combustion.
Seulement, le redémarrage ne sera pas si facile. En effet, des générations entières d'ingénieurs «old school» ont été mises à la retraite anticipée, les plus jeunes se sont reconvertis dans l'électrotechnique. Une grande partie du savoir-faire a ainsi été perdue. Par conséquent, les dernières innovations en matière de véhicules à combustion proviennent désormais de la Chine.
«Le client a toujours raison»
Les hybrides plug-in à autonomie moyenne seraient une technologie de transition parfaite. Pour les trajets domicile-travail, on roule à l'électricité, pour les vacances, le véhicule à combustion offre la sécurité de l'autonomie et du ravitaillement.
Le jour où l'on pourra vraiment couvrir 100% de l'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, où même les coins les plus reculés seront équipés de réseaux performants et où la technologie des batteries aura atteint des niveaux de prix et de performance encore inimaginables aujourd'hui, nous conduirons tous tout naturellement des voitures électriques.
Car comme le dit le plus vieil adage de la vente: au final, c'est toujours le client qui a raison. Et c'est exactement selon ce principe que se déroulera l'abandon effectif de la voiture à combustion.