Un nouveau mur pourrait bientôt tomber en Allemagne. Après les élections régionales en Saxe et en Thuringe, plusieurs alliances sont envisageables. Mais il est clair que la formation d'un gouvernement dans les deux Länder demandera de la créativité et de la flexibilité.
En Thuringe qui compte environ 2,1 millions d'habitants, l'AfD (extrême-droite) est clairement la première force, suivie de la CDU (centre droit) et du BSW, l'alliance de l'ancienne politicienne de gauche Sahra Wagenknecht. Dans le Land de Saxe, plus grand (environ 4 millions d'habitants), la CDU arrive en première position. Elle est suivie de près par l'AfD. En Saxe également, le BSW arrive en troisième position.
L'AfD est donc plus forte que jamais, mais elle ne participera probablement pas au gouvernement dans les deux Länder.
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Tous contre l'AfD en Thuringe
En Thuringe, Björn Höcke, principal candidat de l'AfD, a interprété les résultats électoraux comme un mandat pour gouverner. «En tant que force principale, j’ai l’ambition de former le gouvernement», a-t-il déclaré dimanche, ajoutant qu’il inviterait les autres partis à des discussions. Cependant, une collaboration semble difficilement envisageable, car tous les autres partis refusent tout rapprochement avec l'AfD.
Dans ce contexte, l'attention se tourne vers la CDU dans les deux Länder concernés. Bien que les démocrates-chrétiens partagent certaines positions avec l'AfD – que ce soit en matière de politique économique, de modèle familial ou de débat sur l'asile –, Friedrich Merz, président de la CDU, maintient fermement depuis des années un «cordon sanitaire» face à l'AfD, excluant toute forme de coopération.
«Si l’un d’entre nous lève la main pour collaborer avec l’AfD, une procédure d’exclusion du parti est engagée dès le lendemain», rappelait Friedrich Merz en décembre 2021. Par ailleurs, plusieurs études en Allemagne dénoncent toute coopération avec l’AfD, y compris un alignement de vote, comme une atteinte dangereuse aux valeurs démocratiques. Pourtant, au sein de la CDU, certains membres ne sont pas totalement opposés à l'idée de collaborer avec Björn Höcke et ses alliés.
Le parti de Sahra Wagenknecht partage également certaines positions avec l'AfD, notamment sur l'immigration et une politique étrangère favorable à la Russie. Néanmoins, elle a réaffirmé lundi qu'une collaboration avec l'extreme droite était inenvisageable.
Les délimitations sont encore plus nettes pour les autres partis. Dans le futur Parlement d'Erfurt, obtenir une majorité sans l'AfD nécessiterait une coalition des quatre autres partis. Toutefois, un autre obstacle se dresse sur cette voie: l’intransigeance de la CDU vis-à-vis de Die Linke, héritière du SED (Parti socialiste unifié d'Allemagne) est-allemand. Lors d’une conférence de presse lundi, Friedrich Merz a réitéré que la CDU maintiendra ses barrières, même en Thuringe. «Nous avons pris une décision claire, à savoir que nous ne gouvernerons ni avec l'AfD ni avec la gauche», a-t-il affirmé. Dans ce cas, il n'y aura pas de gouvernement régional avec une majorité parlementaire à Erfurt.
Possible gouvernement minoritaire
En effet, la CDU, le BSW et le SPD n'obtiendraient que 44 sièges dans l'état actuel des choses. La majorité de 45 sièges serait manquée de peu. La CDU aurait donc besoin du parti de gauche qui, avec Bodo Ramelow, a jusqu'à présent assuré la fonction de ministre-président en Thuringe.
On pourrait aussi imaginer un gouvernement minoritaire dirigé par la CDU et toléré par les autres partis. Le gouvernement dépendrait alors des autres partis pour chaque décision. La tâche serait rendue plus difficile par le fait que l'AfD en Thuringe atteint une minorité de blocage pour les modifications constitutionnelles.
Lundi soir, les instances de la CDU de Thuringe veulent définir une première ligne de gestion du résultat des élections. Cela ne se fera pas sans querelles. La conseillère régionale CDU Martina Schweinsburg avait par exemple déclaré dimanche au quotidien «Bild»: «Une élection est un devoir pour les responsables de s'orienter en fonction du résultat et non d'un quelconque courant dominant.»
En Saxe aussi, il faut une nouvelle coalition
En Saxe, la coalition actuellement au pouvoir, composée de la CDU, du SPD et des Verts, n’a plus de majorité. Même une alliance entre la CDU et le BSW ne suffirait pas à elle seule pour gouverner. Un troisième partenaire serait nécessaire: les Verts, le SPD ou la gauche.
Pour que la CDU puisse conserver le pouvoir à la fois en Saxe et en Thuringe, elle devra surmonter un obstacle de taille, ou du moins le contourner. Il semble plus probable que cet obstacle soit surmonté à gauche, malgré une convergence notable sur certains points avec l’AfD. Toutefois, les éléments ouvertement d’extrême droite au sein de l’AfD rendent toute coopération impossible.
La stratégie du «tous contre l’AfD» demeure incertaine quant à son efficacité. Jusqu'à présent, la mise en place de cordons sanitaires n'a pas affaibli les populistes de droite. L'exemple de Matteo Salvini et Giorgia Meloni en Italie ou de Geert Wilders aux Pays-Bas montre que leur intégration dans des gouvernements peut également renforcer leur position. Cependant, il paraît douteux qu’un parti représentant plus de 30% des électeurs dans deux Länder puisse être exclu durablement du jeu politique en Allemagne.