Le chef d'orchestre de l'opéra national d'Ukraine témoigne
«Jouer de la musique est notre arme»

L'orchestre de l'opéra national d'Ukraine, dirigé par Mykola Diadiura, se produit en France malgré la guerre. Plusieurs musiciens, dont certains ont combattu, sont venus interpréter des œuvres classiques à Caen.
Publié: 12.10.2024 à 09:48 heures
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La guerre fait toujours rage en Ukraine.
Photo: Anadolu via Getty Images
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AFP Agence France-Presse

«Jouer de la musique est notre arme», déclare à l'AFP le chef de l'orchestre de l'opéra national d'Ukraine, de passage en France pour un concert. Sa formation compte plusieurs soldats, dont certains n'avaient pas quitté l'Ukraine depuis le début de la guerre en 2022.

«Certains de nos musiciens ont quitté le pays, certains combattent, un danseur de ballet et un technicien sont morts au front, mais la plupart sont restés à Kiev et le théâtre est plein, la culture est nécessaire en temps de guerre», raconte Mykola Diadiura, 63 ans, de passage à Caen, dans le nord-ouest de la France.

Bloqués pendant des heures

Lui et sa femme Ivana, violoniste de l'orchestre, ne se sont pas posé la question d'un départ quand la guerre a éclaté. «Nous nous devions de rester», disent-ils. Plus de 60 musiciens, dont certains ont combattu sur le front, ont fait le déplacement pour interpréter Beethoven, Dvorak, Gershwin, Bizet, Fauré ou encore le compositeur ukrainien Lysenk, lors d'un concert le soir même dans la cité normande.

Leur bus est resté bloqué dix heures à la frontière avec la Pologne: de nombreux musiciens ayant l'âge de combattre, sortir du territoire n'est pas toujours facile. Plusieurs musiciens de la troupe ont combattu l'envahisseur russe, comme Yuri Kuzmenko, trompettiste de 46 ans, qui a défendu Kiev en 2022 dans la défense territoriale.

Sauvé du front

En montrant des photos de lui en treillis avec une kalachnikov au bras, il se rappelle n'avoir «jamais imaginé en arriver là, j'ai fait ce que je pouvais et vu des choses que vous ne pouvez pas imaginer». Appelé à combattre dans le Donbass, il a été sauvé de la mobilisation par l'orchestre à qui il manquait des musiciens, beaucoup de ses frères d'arme sont aujourd'hui décédés.

Polaire militaire kaki et patch «maestro» scratché au thorax (c'était son surnom sur le front), Roman Porvish, 57 ans, a lui combattu dans la région de Donetsk dans une unité antichar de la 30e brigade. Posté en première ligne et victime d'une commotion, il est revenu à Kiev jouer du trombone.

«C'est notre héros»

«Aujourd'hui, j'ai seulement envie de pleurer», dit-il les larmes aux yeux, «j'ai toujours été intéressé par la Seconde Guerre mondiale et le débarquement, venir jouer ici c'est spécial, car je sais ce que signifie mourir au combat».

«C'est notre héros», dit de lui Natalia Yaropud, violoncelliste de 45 ans qui est sortie pour la première fois de son pays depuis le début de la guerre. «Nous venons ici pour donner de l'espoir à ceux qui souffrent, la musique peut aussi être un médicament».

Elle cherche sur son téléphone la photo de la place située en face de leur opéra à Kiev, où des centaines de petits drapeaux jonchent le sol, symboles des Ukrainiens morts de l'agression russe. «Relaxée» par cette première sortie du territoire depuis février 2022, Natalia ne souhaite aujourd'hui rien d'autre que «vivre une vie normale».

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