24 février 2025. Ce jour-là, la guerre en Ukraine entamera sa troisième année. Mais est-il vraiment possible pour les autorités de Kiev, de plus en plus confrontées au rouleau compresseur de l’armée russe dans le Donbass, de n’avoir pour seul objectif que la poursuite du conflit contre un ennemi aux forces et aux moyens bien supérieurs en nombre? Depuis des semaines, le mot «pourparlers» revient en force. Rien de concret, mais des appels à redonner une chance à la paix, comme celui lancé par le Chancelier allemand Olaf Scholz selon lequel «il est temps d’intensifier les efforts» en vue d’une négociation. Sérieux? Oui. Mais seulement si les conditions suivantes sont réunies.
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Un médiateur doit s’imposer
C’est aujourd’hui l’élément qui manque le plus. Dès le 15 juillet, Volodymyr Zelensky a souhaité, lors d’une conférence de presse, que la Russie soit invitée au prochain sommet qui succédera à celui organisé par la Suisse au Bürgenstock, les 15 et 16 juin. La porte diplomatique est donc ouverte. Le Chancelier allemand Olaf Scholz vient à son tour de s’y engouffrer dans un entretien à la chaîne de télévision ZDF en déclarant: «Je pense qu’il est temps maintenant de discuter de la manière dont nous pouvons sortir de cette situation de guerre et parvenir plus rapidement à la paix.»
Mais qui peut faire les indispensables (et secrets) allers et venues entre Kiev et Moscou? Coïncidence inquiétante pour tout médiateur potentiel, le chercheur français Laurent Vinatier, employé du Centre pour le dialogue humanitaire de Genève, spécialisé dans la médiation, vient de voir sa détention provisoire prolongée de six mois à Moscou, le 3 septembre. On parle de la Turquie. La Chine répète qu’elle a un plan de paix (en fait des principes), présenté le 24 février 2023. La Suisse, qui applique les sanctions européennes, apparaît hors-jeu. Alors, qui?
La Russie doit faire un geste
Il ne faut pas renverser les rôles. C’est la Russie de Vladimir Poutine qui, le 24 février 2022, a envahi l’Ukraine, pays aux frontières reconnues par la communauté internationale. C’est donc à Moscou de faire un premier pas vers une possible paix, ou en tout cas de laisser l’idée s’installer autrement qu’en énonçant des conditions qui riment avec la capitulation du gouvernement de Kiev. Or pour l’heure, rien ne vient du Kremlin.
L’offensive éclair ukrainienne dans la région de Koursk n’a pas ébranlé le président russe qui poursuit pour le moment sa purge au sein de l’État-major, en éliminant tous les alliés de son ancien ministre de la Défense Sergueï Choigou. Au moins dix généraux et membres de l’entourage de celui-ci ont été renvoyés ou arrêtés en quelques mois. Est-ce le prélude à une nouvelle offensive durant l’hiver, propice aux mouvements de troupes sur le sol gelé, ou à une nouvelle donne diplomatique?
Les alliés de l’Ukraine doivent agir
Les alliés occidentaux de l’Ukraine sont pris entre deux obligations. La première est celle de permettre à ce pays agressé de riposter, surtout lorsque les missiles et bombes planantes lancés par la Russie tombent sur des cibles civiles et provoquent des massacres. C’est dans ce contexte que Volodymyr Zelensky a répété sa demande de pouvoir tirer en profondeur sur le territoire russe avec les missiles de longue portée occidentaux, qui pour l’heure sont «verrouillés» par leurs donneurs, pour ne pas aller au-delà d’une soixantaine de kilomètres.
La deuxième obligation est celle d’ouvrir une discussion sur des négociations. Et de ce point de vue, une brèche vient de s’ouvrir avec la nomination d’un nouveau ministre des Affaires étrangères, Andrii Sybiha, qui secondait jusque-là le chef de la diplomatie Dmytro Kuleba, en poste depuis 2020. Fait important: le remplaçant a été ambassadeur en Turquie entre 2016 et 2021. Or Ankara pourrait jouer le rôle de médiateur.
Un échange de prisonniers doit démarrer
C’est souvent par ce biais que les premiers pourparlers s’engagent. Lorsque les belligérants doivent négocier une libération de soldats détenus par les deux camps, les contacts établis peuvent être le prélude à d’autres discussions secrètes. Or le moment est propice. Des manifestations ont eu lieu ces jours-ci en Ukraine pour réclamer la libération de soldats toujours détenus, après la prise de la ville de Marioupol, rasée à 90% par l’armée russe durant l’hiver 2022. Parallèlement, l’armée russe a perdu des centaines de soldats, capturés lors de l’offensive ukrainienne dans la région de Koursk. Le dernier échange de prisonniers entre les deux pays a eu lieu à la mi-juillet. Chaque camp a libéré 95 militaires.
Une conférence doit être préparée
Une date existe sur l’agenda diplomatique. Personne n’en parle, mais elle pourrait être propice. Chaque année, pour la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 qui mit fin à la Première Guerre mondiale, un sommet pour la paix est organisé à Paris, en présence de chefs d’État ou de gouvernement. Est-il crédible que la capitale française accueille à l’occasion de prochains pourparlers? C’est peu probable. Mais retenez la date, car elle suivra de très près l’élection présidentielle américaine du 5 novembre.
Qui peut, sinon, prendre l’initiative? La récente visite du Premier ministre Indien Narendra Modi à Moscou puis Kiev, la première depuis sa réélection, fait que beaucoup d’observateurs regardent du côté de New Delhi. Mais la Turquie, membre de l’OTAN qui n’applique pas les sanctions occidentales, demeure beaucoup plus proche.