Le bilan s'alourdit
Près de 1000 civils ont été tués en 4 jours en Syrie

973 civils ont été tués depuis le 6 mars par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés dans l'ouest de la Syrie, selon une ONG. Face à ces violences, le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a promis dimanche de poursuivre les responsables.
Publié: 02:00 heures
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Dernière mise à jour: 02:02 heures
Les violences, dans l'ouest de la Syrie, ont été déclenchées par une attaque jeudi de partisans du président déchu Bachar al-Assad contre les forces de sécurité à Jablé.
Photo: MOHAMAD DABOUL
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ATS Agence télégraphique suisse

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a promis dimanche 9 mars de poursuivre les responsables de «l'effusion de sang de civils», dont au moins 973 ont été tués dans l'ouest du pays selon une ONG, dans une flambée de violences sans précédent depuis la chute de Bachar al-Assad. L'ONU, Washington et d'autres capitales ont condamné ces tueries, appelant les autorités syriennes à y mettre fin.

D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, «le nombre total de martyrs civils liquidés s'élève à 973, y compris des femmes et des enfants», évoquant des «meurtres, des exécutions sommaires et des opérations de nettoyage ethnique».

Les violences ont été déclenchées par une attaque sanglante le 6 mars de partisans du président déchu contre des forces de sécurité à Jablé, près de la ville de Lattaquié, berceau de la minorité alaouite, branche de l'islam chiite dont est issu le clan Assad. Les autorités ont ensuite envoyé des renforts dans les provinces voisines de Lattaquié et Tartous, pour soutenir des opérations des forces de sécurité contre les pro-Assad.

Le pouvoir promet une «commission d'enquête»

Au moins 481 membres des forces de sécurité et combattants pro-Assad ont aussi péri, selon l'OSDH. Les autorités n'ont pas fourni de bilan.

Appelant lors d'un discours dans une mosquée de Damas à «préserver l'unité nationale et la paix civile», Ahmad al-Chareh a annoncé la formation d'une «commission d'enquête indépendante» sur «les exactions contre les civils», afin d'en identifier les responsables et de les «traduire en justice».

«Nous demanderons des comptes (...) sans indulgence, à toute personne impliquée dans l'effusion de sang des civils», a-t-il ensuite assuré, dans une vidéo diffusée par l'agence de presse officielle syrienne Sana, indiquant qu'un comité serait formé pour «protéger la paix civile».

Un pays déchiré

Ahmad al-Chareh, alors à la tête du groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) – classé comme terroriste par plusieurs pays dont les Etats-Unis – a dirigé la coalition rebelle qui a fait fuir le 8 décembre Bachar al-Assad à Moscou.

«Aujourd'hui, nous nous portons garants de tout le peuple syrien et de toutes les confessions, et nous protégeons tout le monde de la même manière», a de son côté assuré le chef de la diplomatie syrienne, Assaad Al-Chaibani, en déplacement à Amman.

Depuis son arrivée à la tête d'un pays multiethnique et multiconfessionnel, déchiré par plus de 13 ans de guerre civile, Ahmad al-Chareh, s'efforce d'obtenir le soutien de la communauté internationale, et de rassurer les minorités.

L'Eglise orthodoxe et les Kurdes condamnent

Lors d'un sermon dimanche, le patriarche orthodoxe d'Antioche, Jean X, a relevé que les «massacres» avaient aussi visé «de nombreux chrétiens innocents». La majorité des victimes «étaient des civils innocents et désarmés dont des femmes et des enfants», a-t-il affirmé.

L'administration autonome kurde de Syrie, qui contrôle de grands pans de l'est et du nord du pays, a condamné des «pratiques (qui) nous ramènent à une époque noire que le peuple syrien ne veut pas revivre». Le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, a lui exhorté l'Europe à «cesser d'accorder une légitimité» au pouvoir de transition syrien «au passé terroriste bien connu».

Renforts envoyés à Qadmous

Dimanche, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'envoi de «renforts supplémentaires» à Qadmous, dans la province de Tartous où les forces de sécurité «traquent les derniers fidèles à l'ancien régime». Sana a rapporté de «violents affrontements» à Taanita, un village de montagne du même secteur, où ont fui «de nombreux criminels de guerre» du précédent pouvoir, protégés par des «fidèles d'Assad».

Dans le village de Bisnada, dans la province de Lattaquié, les forces de sécurité fouillaient des habitations, selon un photographe de l'AFP. «Plus de cinquante personnes, des membres de ma famille et des amis, ont été tués», a affirmé à l'AFP un habitant alaouite de Jablé sous couvert de l'anonymat, affirmant que les corps ont été enterrés dans des fosses communes voire «jetés à la mer».

Vidéos et images sordides

L'OSDH et des militants ont publié vendredi des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, des femmes pleurant à proximité. Une autre séquence montre des hommes en tenue militaire forçant trois personnes à ramper, avant de leur tirer dessus à bout portant. L'AFP n'a pas pu vérifier ces images.

Selon Aron Lund, du centre de réflexion Century International, la flambée de violence témoigne de la «fragilité du gouvernement», qui s'appuie «sur des jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu». A Damas, les forces de sécurité sont intervenues pour disperser un sit-in de protestation contre les tueries, après l'irruption d'une contre-manifestation réclamant un «État sunnite», émaillée de slogans hostiles aux alaouites.

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