L'armée allemande écoutée
Pour la Russie, Olaf Scholz serait un «idiot utile»

La conversation des officiers de l'armée allemande sur les missiles de croisière Taurus est tombée entre les mains de la Russie, ce qui alarme le gouvernement fédéral et la Bundeswehr. Les experts du renseignement analysent le scandale et ses conséquences.
Publié: 08.03.2024 à 11:23 heures
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Dernière mise à jour: 08.03.2024 à 11:35 heures
Olaf Scholz est dans de beaux draps. D'une part, il semble que l'on ait réussi à espionner l'armée allemande. D'autre part, les doutes vont bon train quant à la justification du chancelier sur le refus d'une livraison de missiles Taurus.
Photo: imago/photothek
Johannes Hillig

Ce n'était pas destiné au public: en interne et assez ouvertement, des officiers supérieurs de l'armée de l'air allemande ont discuté lors d'une réunion des possibilités théoriques d'utilisation de missiles de croisière Taurus allemands par l'Ukraine. La faute à une «erreur d'utilisation individuelle», a expliqué mardi le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius. Des enquêtes préliminaires ont été ouvertes contre toutes les personnes ayant participé à la discussion, a-t-il ajouté. Le ministre de la Défense a rejeté les spéculations sur l'éventuelle intervention d'un espion russe dans la conversation.

Boris Pistorius a expliqué que, selon les résultats intermédiaires de l'enquête menée jusqu'à présent, une fuite de données s'était produite à Singapour. Là-bas, un participant à la conversation n'aurait pas respecté les consignes pour une connexion sécurisée.

L'Allemagne vue comme le «maillon faible»

Parmi les experts des services secrets, on craint de plus en plus que les fuites de l'armée allemande ne soient qu'un début. «Normalement, les écoutes réussies ne sont pas rendues publiques pour ne pas nuire à la source», déclare August Hanning, ex-chef du Service fédéral de renseignements (BND), à «Bild». Mais la Russie veut impacter l'Allemagne. D'autres publications pourraient donc suivre. Pour August Hanning, «cette fuite pourrait n'être que la pointe de l'iceberg».

L'ex-chef du BND n'est pas le seul à être de cet avis dans les milieux du renseignement. L'Allemagne aurait été choisie de manière ciblée, comme le rapporte une source au journal britannique «Telegraph». Le pays aurait été identifié comme le «maillon faible» et le chancelier Olaf Scholz comme un «idiot utile» pour nuire à l'Occident.

Pour Olaf Scholz, cette publication est doublement amère. D'une part, il semble que l'on ait réussi à espionner l'armée allemande. D'autre part, le contenu de l'entretien suscite des doutes quant à la justification du chancelier sur le refus d'une livraison de missiles Taurus. En effet, selon la conversation divulguée, l'Ukraine pourrait très bien se passer de soldats allemands sur place pour manier les missiles de croisière.

Les Russes utilisent la conversation pour faire de la propagande

Le service de contre-espionnage militaire (MAD) est chargé d'éclaircir les dessous de l'affaire. Sur le plan politique, trois scénarios sont en jeu: la CDU/CSU– l'alliance de la droite allemande – a déjà demandé une réunion spéciale de la commission de la défense et exige que le chancelier s'y présente en personne. Elle demande également une déclaration du gouvernement. Le chef du groupe parlementaire CSU, Alexander Dobrindt, et le responsable des affaires étrangères de la CDU, Jürgen Hardt, ne veulent pas exclure une commission d'enquête parlementaire.

Les représentants russes tentent d'exploiter à leur avantage la conversation interceptée. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que la conversation montrait «que le camp de la guerre en Europe est toujours très, très fort», qu'il s'agissait d'infliger à la Russie une «défaite stratégique sur le champ de bataille». 

(Avec AFP)

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