«L'argent a déjà été dépensé...»
Les Vert-e-s veulent offrir à l'Ukraine des turbines prévues pour la Suisse

La Suisse a suffisamment d'énergie. Les Verts demandent maintenant au Conseil fédéral d'offrir à l'Ukraine les turbines qu'il a commandées pour la centrale d'urgence en Argovie.
Publié: 20.11.2022 à 17:43 heures
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Dernière mise à jour: 20.11.2022 à 17:50 heures
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Le conseiller national des Vert-e-s Kurt Egger (à g.) veut aider l'Ukraine à lutter contre un black-out.
Photo: Keystone
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Danny Schlumpf

Fin septembre, le Conseil fédéral a décidé de construire une centrale d’urgence à Birr (AG) pour la modique somme de 470 millions de francs. La centrale fonctionne au pétrole et émet autant de CO2 à elle toute seule que toute la ville de Zurich... mais cela semblait être un détail cet automne. Comme toute la Suisse craignait de ne pas passer l'hiver sans manquer d'énergie, il fallait faire vite.

La centrale est toujours en construction. Elle sera principalement constituée de huit turbines. Celles-ci sont d'ailleurs déjà assemblées. Elles dorment dans un entrepôt de Birsfelden, à Bâle-Campagne, et seraient déjà prêtes à être déposées sur le béton coulé à Birr.

Mais entre-temps, le discours du Conseil fédéral a bien changé. La crise ne devrait finalement pas impacter la Suisse tant que ça dans les mois à venir. Selon les derniers pronostics, les réserves d’eau disponibles dans les lacs de retenue devraient faire l’affaire jusqu’au printemps. Autrement dit, la centrale d’urgence en Argovie pourrait finalement ne pas être indispensable pour l’approvisionnement en électricité de notre pays.

«Rien ne s’oppose à un transport vers l’Ukraine»

Il en va bien sûr tout autrement de la situation du réseau électrique ukrainien, où un tiers des centrales est à l'arrêt. Vitali Klitschko prépare la capitale ukrainienne à un black-out, envisageant déjà à haute voix une évacuation de certaines parties de la ville. «Nos systèmes énergétiques sont fortement touchés par les attaques de missiles russes», déplorait auprès de Blick le maire de Kiev au début du mois de novembre.

Il n’en fallait pas plus pour qu'une idée germe dans la tête du conseiller national des Vert-e-s Kurt Egger. «Nous n’aurons pas besoin des turbines pour Birr, tonne le Thurgovien. Mais nous pouvons encore en faire quelque chose de bien!»

Concrètement, Kurt Egger demande que la Suisse offre quatre de ses huit turbines à l’Ukraine. Le politicien a déjà pris contact avec les responsables du projet de Birr. Ceux-ci lui ont confirmé que son idée était techniquement réalisable. Les lignes électriques de Kiev sont compatibles avec les turbines et le transport vers la ville portuaire d’Odessa prendrait exactement 21 jours. Les dalles de béton et les raccordements nécessaires pourraient être construits à Kiev dans l’intervalle. «De toute façon, l’argent dépensé dans les turbines ne pourra pas être récupéré, constate Kurt Egger. Autant se rendre utile et offrir à l’Ukraine une aide immédiate dont elle a vraiment besoin.»

Mais serait-ce compatible avec la neutralité suisse? «L’approvisionnement en énergie est décisif pour la guerre, admet la cheffe de file des Vert-e-s Aline Trede. Mais les turbines ne sont pas considérées comme du matériel de guerre.» Rien ne s’oppose donc à un transport vers l’Ukraine selon la Bernoise, qui trouve cette solution brillante. «Ce serait également positif pour notre image vis-à-vis des autres pays occidentaux», ajoute la politicienne.

La cheffe du parti Aline Trede souligne que les turbines ne sont pas du matériel de guerre.
Photo: Keystone

Le Conseil fédéral devra trancher

Cette semaine, les Vert-e-s ont adressé leur requête au gouvernement. «La centrale d’urgence de Birr est réglée par une ordonnance du Conseil fédéral», explique Kurt Egger. La décision lui reviendra.

Une question reste en suspens. Pouquoi le Thurgovien veut-il conserver les quatre dernières turbines sur sol suisse? «Nous voulons rassurer ceux qui craignent une pénurie pour l’hiver suivant», se justifie-t-il. Même si, dans tous les cas, une centrale d’urgence à énergie fossile n’est pas la bonne solution pour son parti. «Nous devrions plutôt nous débrouiller pour augmenter notre efficacité énergétique», soutient-il.

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