Le président russe Vladimir Poutine est de plus en plus régulièrement critiqué de manière publique, et ce même à la télévision d’Etat, qui suit d’habitude la ligne du Kremlin.
L’émission politique «Point de rencontre» est diffusée chaque jour de la semaine sur la chaîne publique russe NTV. Le 8 septembre dernier, Maxim Yusin, commentateur politique du journal «Kommersant» n’a pas mâché ses mots: «Soyons honnêtes. Depuis le naufrage du navire russe Moskva, la journée d’hier a été l’une des pires journées sur le front pour nous.»
«La situation est très effrayante»
Il va encore plus loin et affirme clairement que «la situation est très effrayante». Mais comme il s’agit de la chaîne d’Etat russe, le présentateur lui coupe la parole. Malgré tout, Maxim Yusin persiste: «J’ai l’impression que nous avons été pris de court.»
Depuis la deuxième semaine de septembre, l’Ukraine a reconquis de nombreux territoires, obligeant les troupes russes à fuir de plusieurs villes et villages. Officiellement, Vladimir Poutine présente cela comme un redéploiement. Les experts estiment toutefois que l’Ukraine a massivement progressé et regagné du terrain.
Le politologue Alexander Sytin, fidèle au Kremlin, présente en revanche un scénario sombre dans l’émission. Il continue de croire à une victoire russe. L’Occident et l’Ukraine «ne comprennent absolument pas qu’un échec de la Russie est inacceptable».
Même le fidèle du Kremlin parle de «guerre»
Il laisse donc entendre que le président russe pourrait poursuivre une guerre pendant des années, car le politologue ne croit pas à une solution diplomatique. Entre autres, Alexander Sytin utilise le mot «guerre» – bien que celle-ci continue d’être nommée «opération spéciale» en Russie. Il y a quelques semaines, il était encore impensable de parler d’une guerre à la télévision de propagande d’Etat, puisque l’utilisation de ce terme peut être sévèrement punie.
Même à la télévision russe, il semble clair que la guerre ne se déroule pas comme prévu, mais la faute n’est pas recherchée du côté du chef du Kremlin. Dans l’émission «Point de rencontre», le politicien Boris Nadezhdin rend l’entourage du président russe responsable.
«Poutine n’est pas responsable des pertes»
Le politicien affirme: «Ceux qui ont convaincu le président que l’opération spéciale serait efficace et brève, que nous n’attaquerions pas les civils, que les combattants de Kadyrov rétabliraient rapidement l’ordre – ces personnes nous ont tous induits en erreur.»
Avant de poursuivre: «Le président n’était pas assis à réfléchir seul à une opération spéciale. Quelqu’un est venu le voir et lui a dit que les Ukrainiens allaient abandonner, se disperser et accepter la venue de la Russie.»
Conclusion: la machine de propagande de Vladimir Poutine grince ici et là après presque six mois de guerre. Mais elle continue néanmoins de faire effet, pour le moment.
(Adaptation par Mathilde Jaccard)