Les Etats-Unis «considèrent qu’il s’agit là d’estimations minimales, et que la Russie a probablement transféré secrètement davantage de fonds qui n’ont pas été repérés», a fait savoir un haut responsable américain. «Nous pensons que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg», a-t-il déclaré à des journalistes sous le couvert de l’anonymat. Parmi les cas les plus frappants cités dans cette nouvelle analyse figure celui d’un ambassadeur russe en poste dans un pays asiatique, qui a donné des millions de dollars à un candidat à une élection présidentielle.
Les renseignements américains n’ont pas précisé les noms des pays concernés. Mais, selon une source proche du dossier dans l’administration Biden, la Russie a dépensé environ 500.000 dollars pour soutenir un candidat du Parti démocrate d’Albanie, de centre-droit, lors d’élections en 2017. Moscou aurait également financé des partis ou candidats au Monténégro, en Bosnie ou à Madagascar, selon cette même source.
Cette personne, qui n’était pas autorisée à s’exprimer officiellement, a déclaré que Moscou utilisait Bruxelles comme centre depuis lequel de nombreuses fondations et structures soutenaient des candidats d’extrême droite. L’ambassade russe en Equateur a également reçu «d’importantes sommes» d’argent entre 2014 et 2017, apparemment dans le but d’influencer le résultat d’élections, a ajouté cette source.
Contrats fictifs, sociétés écrans et cryptomonnaies
En Europe, Moscou a utilisé des contrats fictifs et des sociétés écrans pour financer des partis politiques, tandis que les compagnies publiques russes ont acheminé des fonds jusqu’en Amérique centrale, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, selon Washington. La Russie a parfois envoyé de l’argent liquide, mais a aussi utilisé des cryptomonnaies et des cadeaux «luxueux», selon les renseignements.
Le haut responsable a déclaré que la diplomatie américaine partagerait ces conclusions avec les gouvernements de plus de 100 autres pays. L’administration de Joe Biden avait demandé cette estimation à ses services dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, qui avait conduit les Etats-Unis à tout faire pour isoler Moscou et armer Kiev. L’ingérence supposée de la Russie dans des élections à l’étranger «est aussi une attaque contre la souveraineté», a dénoncé le porte-parole du département d’Etat, Ned Price.
La Russie déjà impliquée dans les élections américaines
« Il s’agit d’une tentative d’éroder la capacité des peuples à travers le monde à choisir les gouvernements qu’ils jugent les plus aptes à les représenter», a-t-il ajouté. Cette nouvelle évaluation n’a pas analysé l’ingérence russe dans la politique américaine. Mais les services de renseignement américains ont déjà accusé la Russie de s’être ingérée dans l’élection américaine de 2016, notamment en utilisant les réseaux sociaux pour soutenir Donald Trump, qui avait exprimé son admiration pour le président russe Vladimir Poutine. Les Etats-Unis «travaillent d’arrache-pied pour remédier à (leurs) faiblesses» et encouragent «les autres pays à faire de même et à (les) rejoindre dans cet effort important», a déclaré le responsable.
Un document interne du département d’Etat, adressé aux représentations américaines à l’étranger, affirme que la Russie a mené cette campagne de financement pour «accroître son influence sur des individus et partis» puis s’assurer que ceux-ci «obtiennent de bons résultats aux élections». Les accusations américaines d’ingérence sont souvent accueillies par des railleries de la part des responsables russes, qui renvoient les renseignements des Etats-Unis à leur soutien à des coups d’Etat en Iran ou au Chili.
(AFP)