La nouvelle rhétorique de l'OTAN interroge
«Visiblement, la solidarité de l'Occident avec l'Ukraine a des limites»

Pour l'OTAN, la paix en Ukraine a un prix: celui de concessions territoriales en faveur de Vladimir Poutine. Cette prise de position trahit-elle une lassitude de l'Occident face à une guerre qui s'enlise? Pas tout à fait, répond Erich Gysling, spécialiste de la Russie.
Publié: 14.06.2022 à 17:22 heures
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Dernière mise à jour: 14.06.2022 à 18:24 heures
«Même avec le soutien et les armes des Occidentaux, la question sera de savoir jusqu'à quand l'Ukraine pourra résister...», lance Erich Gysling, expert de la Russie.
Photo: Thomas Meier
Georg Nopper

Paix doit parfois rimer avec sacrifice(s). C’est Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, qui a jeté ce pavé dans la mare dimanche. «La paix [en Ukraine] est possible. Toute la question est de savoir quel prix [les Ukrainiens] sont-ils prêts à payer pour l’obtenir.» En clair, quels territoires sont-ils enclins à lâcher? Quid de leur indépendance et de leur souveraineté?

Cette prise de position surprend: jusqu’ici, les Occidentaux, OTAN y compris, ont toujours soutenu qu’une victoire ukrainienne était possible, sans parler d’éventuels compromis territoriaux. Pour Erich Gysling, spécialiste de la Russie, ce revirement rhétorique reflète surtout l’incertitude qui plane au-dessus de l’issue de cette guerre d’agression russe. Et ce discours n’est en réalité pas tout à fait nouveau. «[Le président ukrainien Volodymyr Zelensky] a déjà dit que l’Ukraine ne pourrait pas vaincre uniquement sur le plan militaire, rappelle-t-il. Lui aussi a dit que la guerre se terminera sans doute à la table des négociations.»

Cette posture trahit une certaine inquiétude, voire une désillusion du côté des Occidentaux et des Ukrainiens. «Les Ukrainiens ne s’attendaient sans doute pas à ce que les Russes s’accrochent à ce point à l’est et au sud-est du pays», analyse Erich Gysling.

La liste de courses de Kiev s’allonge

Si l’Ukraine devait céder d’éventuelles régions lors de négociations, pourrait-on encore parler de victoire bleue et jaune? Certainement pas, malgré les grandes pertes humaines côté russe. Alors, que devraient faire les Européens et l’OTAN pour permettre à l’Ukraine de passer l’épaule? «Même avec le soutien et les armes des Occidentaux, la question sera de savoir jusqu’à quand l’Ukraine pourra résister…»

Mais aussi jusqu’à quand ses alliés seront capables de répondre à ses demandes matérielles. «Les exigences du gouvernement ukrainien ne cessent d’augmenter et atteignent des proportions que l’OTAN ne peut pas garantir, constate le Zurichois. Visiblement, la solidarité de l’Occident avec l’Ukraine a des limites.»

Selon différentes sources, la liste de courses de Kiev comporte actuellement 500 chars ou plus, 2000 véhicules blindés et 1000 drones. Pas sûr que ces demandes puissent toutes être honorées à ce stade, avertit Erich Gysling: «Une partie de ce matériel devrait d’abord être fabriquée. Et puis, les pays membres de l’OTAN doivent aussi pouvoir maintenir leur propre capacité de défense.» Vue comme ça, l’apparente volte-face du secrétaire général de l’alliance militaire paraît moins étonnante.

L’Ukraine en position défavorable

Reste qu’un éventuel accord entre l’Ukraine et la Russie pour mettre fin au massacre semble encore bien loin. Les négociations sont au point mort et tout prendra du temps. Beaucoup de temps, sans doute. «Pour l’instant, les deux parties belligérantes sont en train de tester la capacité de l’ennemi à prolonger les combats», souligne l’expert sollicité par Blick.

Et si le conflit devait s’enliser, quel camp en profiterait? À l’heure actuelle, la situation semble plutôt défavorable à l’Ukraine: l’est et le sud-est du pays semblent être fermement tenus par l’armée russe, qui a encore pris le centre-ville de Severodonetsk, au nord-ouest de Lougansk, lundi 13 juin. Erich Gysling ne donne pas cher des troupes ukrainiennes dans cette zone: «Je suppose que, comme à Marioupol il y a quelques semaines, la Russie réussira ici aussi à s’emparer du reste de la ville».

(Adaptation par Amit Juillard)

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