En Europe, les pays nordiques prennent la menace russe au sérieux: après la Finlande, un autre membre de l'OTAN, la Norvège, envisage de construire un mur à sa frontière avec la Russie. «Un mur à la frontière est un projet très intéressant, non seulement parce qu'il peut avoir un effet dissuasif, mais aussi parce qu'il contient des capteurs et des technologies permettant de détecter si des personnes s'approchent de la frontière», a déclaré samedi la ministre norvégienne de la Justice Emilie Enger Mehl dans une interview à la chaîne de télévision NRK.
Et pour cause: la Russie envoie des réfugiés suspects dans les pays nordiques, comme le révèle le «New Yorker». Bien que la police norvégienne s'agace de ce flux de migration toujours plus important qui déstabilise la région, le problème relève aussi de l'espionnage. En effet, selon le «New Yorker», ces réfugiés syriens, irakiens et afghans parlent russe pour la plupart, ont même souvent un permis de séjour temporaire en Russie, ou y ont déjà vécu plusieurs années.
Pour éviter ces infiltrations, la ministre de la Justice a expliqué que le gouvernement norvégien étudiait actuellement «plusieurs mesures» pour renforcer la sécurité à la frontière avec la Russie dans le nord de l'Arctique. Outre la construction d'un mur de 207 kilomètres, augmenter le personnel à la frontière et renforcer la surveillance sont également des précautions envisagées.
Des réfugiés suspectés d'espionnage
Officiellement, il n'y a qu'un seul poste frontière entre la Russie et la Norvège. Il se trouve dans la petite localité de Storskog, au nord-est de la Norvège. Le poste frontière dispose actuellement d'un mur de 200 mètres de long et de 3,6 mètres de haut. Il a été construit en 2016, après qu'environ 5000 migrants ont afflué de Russie vers la Norvège l'année précédente.
Le «New Yorker» révèle en effet que depuis mai 2015, le FSB a commencé à utiliser l'afflux de ses réfugiés pour infiltrer le territoire norvégien. Cette situation a immédiatement alerté le département local de contre-espionnage, dirigé alors par Johan Roaldsnes. En plus de la langue russe et des permis de séjour, les réfugiés démontraient une connaissance surprenante des règles locales, et de nombreux incidents liés à des agents des services de renseignement russes ont été déclarés dans la région, comme des actes d'espionnage ou de sabotage. La Russie nie toutefois vouloir faire passer des personnes à la frontière de manière ciblée.
Non loin des ports russes et des lieux de stockage de missiles balistiques à tête nucléaire, la région de Kirkenes est en effet un lieu stratégique clé. Cette péninsule est donc une barrière stratégique pour l'Occident, explique Johan Roaldsnes dans le «New Yorker». Si les tensions montent avec l'OTAN, la Russie pourrait vouloir «prendre le contrôle de la zone frontalière la plus proche et limiter l'accès par voie maritime afin que personne ne puisse y accéder», conclut-il.
Plusieurs pays nordiques considèrent la construction de murs
Si la situation sécuritaire dans la région devait se dégrader, le gouvernement norvégien serait prêt à fermer la frontière à court terme, souligne Emilie Enger Mehl. Cet été, la politicienne du parti centriste avait visité la Finlande voisine, qui avait fermé les points de passage sur les 1340 kilomètres de frontière fin 2023. Poutine avait en effet envoyé plus de 1300 réfugiés en Finlande en l'espace de trois mois.
Afin d'éviter que Moscou n'utilise les réfugiés dans sa guerre contre l'Occident, Helsinki construit actuellement dans la zone frontalière, sur 200 kilomètres, des murs de plus de trois mètres de haut renforcés par des barbelés sur certains tronçons. Coût: 380 millions d'euros (environ 357 millions de francs). L'objectif est de finir l'édification en 2026.
La ministre norvégienne Emilie Enger Mehl n'est pas la seule à considérer la construction de murs comme une bonne idée dans la lutte contre l'espionnage en Norvège. Selon NRK, Ellen Katrine Hætta, la cheffe de la police de la province de Finmark au nord de la Norvège, soutient le projet. «Il s'agit d'une mesure qui pourrait être pertinente pour toute, ou au moins une partie, de la frontière entre la Norvège et la Russie», a-t-elle déclaré.