Le Kremlin a levé vendredi un coin du voile sur les Russes libérés dans le cadre d'un échange de prisonniers historique avec l'Occident, reconnaissant que certains d'entre eux étaient des agents travaillant pour ses services de renseignement.
L'Occident et la Russie ont procédé jeudi au plus grand échange de prisonniers depuis la fin de la Guerre froide, parmi lesquels figurent le journaliste américain Evan Gershkovich et l'ancien Marine Paul Whelan, libérés par Moscou et accueillis dans la soirée par le président américain Joe Biden près de Washington. Whelan et Gershkovich, ainsi que la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, sont arrivés vendredi à San-Antonio, au Texas, pour effectuer des examens médicaux dans un hôpital de l'armée américaine.
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L'accord a permis la libération de 16 personnes détenues en Russie et au Bélarus, en échange de huit Russes incarcérés aux Etats-Unis, en Allemagne, en Pologne, en Slovénie et en Norvège, ainsi que les deux enfants d'un couple d'espions.
Agents du FSB condamné à vie
Parmi les Russes qui ont retrouvé la liberté figure Vadim Krassikov qui purgeait une peine de prison à vie en Allemagne pour l'assassinat d'un Géorgien issu de la minorité tchétchène qui avait combattu contre les forces russes entre 2000 et 2004. Vendredi, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a reconnu qu'il s'agissait d'«un membre du FSB».
«Il a servi dans Alfa», une unité d'élite du FSB, a-t-il dit à la presse. «Il a servi avec plusieurs employés (actuels) du service de sécurité du président» Vladimir Poutine, a ajouté Peskov. Quant au couple formé par Artiom Doultsev et Anna Doultseva, libérés par la Slovénie où ils s'étaient installés en 2017 avec des passeports argentins, Perskov a confirmé leur appartenance aux services russes.
«Les enfants des clandestins qui ont pris l'avion hier n'ont découvert qu'ils étaient russes que lorsque l'avion a décollé d'Ankara. Ils ne parlent pas russe», a-t-il affirmé. Dans le lexique de l'espionnage, les «clandestins» sont des agents vivant sous une autre identité à l'étranger, pour mener leurs missions.
Les enfants mineurs du couple, qui avaient été placés par les services sociaux dans une famille d'accueil après l'arrestation de leurs parents, ont été gratifiés d'un «buenas noches» par Vladimir Poutine à leur descente d'avion jeudi soir à Moscou. «Ils ne savaient même pas qui était Poutine. C'est ainsi que les clandestins travaillent et font de tels sacrifices», a déclaré le porte-parole présidentiel.
Peskov a également écarté toute avancée immédiate dans les négociations autour du conflit en Ukraine consécutive à l'échange, en soulignant que ces deux processus obéissaient à des principes «complètement différents».
Prisonniers américains libérés
Trois des ex-détenus américains - Evan Gershkovich, Paul Whelan et la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva - ont, eux, été accueillis par Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris sur la base militaire d'Andrews, où leur avion s'est posé vers 23H40 (03H40 GMT). Gershkovich, reporter du Wall Street Journal, était détenu depuis mars 2023. Alsu Kurmasheva était aussi incarcérée en Russie, tout comme Paul Whelan, emprisonné, lui, depuis fin 2018 pour espionnage.
A la Maison Blanche, entouré des familles des Américains libérés, Joe Biden avait salué plus tôt les «décisions courageuses et audacieuses» d'alliés européens pour rendre possible cet échange «historique», louant les «concessions importantes» faites par l'Allemagne et la coordination de la Turquie. Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, la décision de relâcher Vadim Krassikov a été «difficile» mais elle a «sauvé des vies».
Ce vaste échange a relevé de la «prouesse diplomatique», s'est également félicité Joe Biden. La Maison Blanche a aussi révélé avoir oeuvré pendant des mois à la libération de l'ex-ennemi numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny, avant qu'il ne meure en février dans une prison de l'Arctique, dans des circonstances troubles.
L'échange de jeudi est le premier entre Moscou et les Occidentaux depuis la libération fin 2022 de la joueuse américaine de basket Brittney Griner, détenue en Russie pour une affaire de stupéfiants, contre celle du célèbre trafiquant d'armes russe Viktor Bout, emprisonné aux Etats-Unis.
La France demande la libération de Laurent Vinatier
Paris a appelé pour sa part vendredi Moscou à libérer sans délai les autres personnes qui sont encore «arbitrairement détenues en Russie», notamment le Français Laurent Vinatier, un collaborateur d'une ONG suisse arrêté début juin et accusé de collecter des renseignements sur l'armée russe.
Pour Dmitri Oreschkine, un analyste politique indépendant établi à Riga, «aucun des deux camps n'a gagné» lors de l'échange de jeudi.
«C'est un match nul (...). Poutine n'aurait jamais autorisé un accord pouvant être interprété comme un succès pour l'Amérique, l'Allemagne ou l'Occident en général», a-t-il dit à l'AFP.