La Suisse arrêterait-elle le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu si l'ordre lui était donné? Si la question reste pour l'instant hypothétique, la Suisse pourrait très prochainement avoir à répondre à ce casse-tête diplomatique. Après tout, le Conseil fédéral a invité, parmi de nombreux autres pays, le gouvernement israélien à la conférence pour la paix en Ukraine qui se tiendra à la mi-juin au Bürgenstock (NW).
De son côté, l'Allemagne s'est dite prêt à sévir. Si la Cour pénale internationale (CPI) confirmait l'émission d'un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahu, Berlin l'arrêterait sur le sol allemand et l'extraderait vers La Haye, aux Pays-Bas. «Nous nous en tenons au droit et à la loi», a déclaré mercredi un porte-parole du gouvernement devant les médias. L'Allemagne est fondamentalement favorable à la Cour pénale internationale, et elle le restera.
La demande de mandat d'arrêt a fait les gros titres dans le monde entier
Le procureur en chef de La Haye, Karim Khan, a fait ce lundi les gros titres dans le monde entier. En raison de l'attaque terroriste contre Israël qui a déclenché la guerre à Gaza, il n'a pas seulement demandé des mandats d'arrêt contre trois dirigeants du Hamas. Il a également pris pour cible Benjamin Netanyahu ainsi que le ministre de la Défense Yoav Gallant. Il leur reproche d'avoir délibérément ordonné des attaques contre la population civile de Gaza et d'avoir utilisé la faim comme arme de guerre.
Comme la Suisse, l'Allemagne et 121 autres Etats ont signé le Statut de Rome, sur lequel se fonde la Cour pénale internationale – contrairement aux Etats-Unis, à la Russie ou à Israël par exemple. Dans les milieux gouvernementaux allemands, il serait donc difficile de ne pas exécuter un éventuel mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahu si celui-ci devait se rendre en Allemagne. D'un autre côté, l'arrestation d'un chef de gouvernement israélien serait extrêmement délicate en raison de la responsabilité que porte l'Allemagne dans l'Holocauste.
La Suisse est tenue de coopérer
Compte tenu du caractère explosif qui entoure les préparatifs du sommet pour la paix en Ukraine, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) ne veut pas répondre à la question d'une éventuelle arrestation de Benjamin Netanyahu et se cache derrière ses éléments de langage. Comme il s'agit d'une procédure en cours, le département ne commente pas la demande du procureur en chef, explique un porte-parole du DFAE. Les diplomates ne veulent pas froisser qui que ce soit inutilement.
Le DFAE ne révèle pas non plus si Israël participera à la conférence sur l'Ukraine. Jusqu'à présent, plus de 70 confirmations de participation ont été reçues. Le délai d'inscription étant toujours en cours, il n'est pas possible de dire actuellement si Israël participera et à quel niveau.
L'Office fédéral de la justice (OFJ) ne veut pas non plus s'exprimer clairement. En effet, les éventuelles informations disponibles sont confidentielles et soumises au secret de fonction, explique une porte-parole. Mais il est clair que les Etats signataires du traité de Rome comme la Suisse sont tenus de coopérer en principe sans restriction avec la CPI.
L'OFJ renvoie également à la loi fédérale sur la coopération avec la CPI. Selon cette loi, l'office fédéral serait tenu d'arrêter Benjamin Netanyahu et d'examiner si les conditions d'un transfèrement à La Haye seraient remplies. Du moment que la demande de transfèrement arrive dans les délais, «la personne recherchée reste en principe en détention jusqu'à la fin de la procédure de transfèrement». Elle peut toutefois recourir contre sa détention auprès du Tribunal pénal fédéral.
L'Afrique du Sud a connu une situation similaire
Il y a un an, l'Afrique du Sud s'est retrouvée dans une situation similaire après que la CPI ait émis un mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine. Le président russe s'était pourtant inscrit à un sommet en Afrique du Sud qui aurait dû l'arrêter sur le tarmac après l'atterrissage. L'Afrique du Sud aurait certainement subi les foudres de la Russie. Mais Vladimir Poutine a finalement renoncé à faire le déplacement et a participé à la conférence par appel vidéo. Le gouvernement sud-africain a pu respirer.
Il pourrait en être de même pour la présidente de la Confédération Viola Amherd et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis. Les deux conseillers fédéraux espèrent certes que le plus grand nombre possible de chefs d'Etat se joindront à eux pour donner du poids au sommet sur l'Ukraine. Mais ils se passeraient sans doute volontiers de Benjamin Netanyahu.