L’armée russe dans le nord de l’Ukraine serait en train de se déplacer. Elle a retiré un cinquième de ses unités de la région, estime le gouvernement de Kiev. Tout sera miné lors du retrait, «même les corps des personnes tuées», a déclaré Volodymyr Zelensky dans la nuit d’hier. Le président ukrainien s’attend désormais à de violentes attaques dans l’est du pays.
Moscou avait dernièrement déclaré vouloir y concentrer les combats. «La grande bataille sera le Donbass», confirme à Blick John Spencer, l’un des experts les plus renommés en matière de guerre urbaine. Selon lui, c’est la seule chose que les troupes russes sont encore en mesure de faire.
Un prix élevé pour l’Ukraine orientale?
Le directeur d’études du Madison Policy Forum de New York estime qu’il est possible que les Russes puissent conquérir l’est de l’Ukraine, mais à un prix inimaginable. «Dix mille, vingt mille soldats russes supplémentaires tomberont pour s’emparer de l’Est», prédit John Spencer.
En effet, pas moins d’un tiers de l’armée ukrainienne s’y trouve, et en plus, il ne s’agit «pas des pires unités. Leur moral est bon.» Selon l’expert, les Russes n’ont actuellement pas beaucoup plus de 100’000 soldats.
Combat difficile dans une zone densément peuplée
La situation est similaire à Marioupol. Certes, les quelque 3000 défenseurs ukrainiens de la ville assiégée en ruines sont depuis quatre semaines dans une situation désespérée: ils ont à peine accès à de l’eau, de la nourriture, et sont constamment sous les tirs ennemis.
Mais le combat dans une zone densément peuplée place l’assaillant devant un paradoxe: «Plus une ville a été bombardée, plus il est difficile de la prendre». Chaque ruine est comme un bunker pour les défenseurs. John Spencer est catégorique: «attaquer un adversaire dans une ville en ruines entraîne de lourdes pertes.»
Quelles sont les autres possibilités de l’armée russe?
À Marioupol, 90% des bâtiments sont déjà détruits. La prise totale de la ville coûtera à nouveau des dizaines de milliers de soldats. Malgré tout, l’ancien major de l’US Army pense que c’est l’objectif des Russes.
De quelles possibilités disposent alors les militaires russes au-delà de la ville portuaire?
John Spencer pense qu’ils pourraient se concentrer davantage sur Kherson. «Agir là-bas de manière encore plus impitoyable, tuer plus de civils, s’enfouir plus profondément dans le pays.»
Attaque sur Odessa plutôt improbable
L’expert américain estime par ailleurs qu’une attaque sur Odessa est peu probable. «Ils ont échoué à beaucoup d’endroits, c’est pourquoi ils vont se concentrer sur Lougansk et Donetsk.»
Le chemin est toutefois long, les forces militaires se sont enlisées à de nombreux endroits. «Ils sont mouillés, ils ont froid, ils sont attaqués, leur matériel est endommagé et ils sont coincés dans la boue», détaille l’expert américain.
Les déplacements de troupes sont dangereux pour les Russes
Dans ces conditions, les déplacements de troupes sont très dangereux: «Les Ukrainiens attaquent dès que l’ennemi tente de bouger. C’est peut-être la raison pour laquelle les Russes lancent de plus en plus de missiles et de bombes sur Kiev: pour que les habitants s’en aillent d’eux-mêmes.»
Un autre problème des assaillants est l’immensité du territoire. Traverser l’Ukraine serait bien trop dangereux. Ils devraient passer par la Biélorussie au nord, ce qui pourrait prendre des semaines selon John Spencer: «Les troupes ont besoin d’une pause, de plus de munitions, de plus de véhicules, de nouveaux officiers et de soldats frais.»
Selon un article du «New York Times», les Ukrainiens veulent profiter de la situation et équiper les défenseurs de la région du Donbass de chars de fabrication soviétique, qui seraient livrés par les États-Unis.
Pas d’offensive majeure des Ukrainiens
Depuis plus d’une semaine, les Ukrainiens reconquièrent des territoires. Selon les informations des services de renseignement britanniques, l’armée ukrainienne est également intervenue samedi contre les troupes russes dans les environs de Kiev. John Spencer ne croit toutefois pas à une grande offensive des Ukrainiens: «Ils continuent avec des attaques plutôt petites.»
Vladimir Poutine pourrait quant à lui chercher son salut dans l’escalade de la violence: «Les Russes vont commettre encore plus de crimes de guerre», estime l’expert américain. Selon lui, il est plus facile pour les commandants d’appuyer sur un bouton et de tirer des missiles sur les villes ukrainiennes que de continuer à envoyer des soldats à la mort.
Une tentative du CICR de se rendre à Marioupol a échoué vendredi. Le même jour, plus de 3000 civils ont néanmoins réussi à s’échapper. Des couloirs de fuite devaient être mis en place samedi.
(Adaptation par Lliana Doudot)