Éditorial
L'OTAN, une assurance-vie européenne contractée à Washington

Le sommet de l'OTAN à Madrid qui s'achève ce jeudi 30 juin a démontré l'unanimité des Européens derrière les Etats-Unis face à la Russie. Mais attention: ce genre d'assurance-vie comporte des obligations. Washington ne l'oubliera pas.
Publié: 30.06.2022 à 09:37 heures
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Dernière mise à jour: 30.06.2022 à 10:48 heures
L’OTAN, conçue pour aligner les chars, les canons et les missiles, n’était ni faite pour faire le tri dans les migrants en provenance d’Afrique ou du Moyen-Orient, ni équipée pour ramener la paix et instaurer un Etat de droit du côté de Kaboul.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Emmanuel Macron avait donc tout faux. L’OTAN, cette Alliance des démocraties occidentales créée pour contrer l’Union Soviétique durant la guerre froide, n’était pas menacée de «mort cérébrale» comme l’avait annoncé, un rien fanfaron, le président français dans un entretien accordé en novembre 2019 à The Economist.

La plus puissante coalition militaire mondiale

Il est vrai qu’il y a deux ans, la plus puissante coalition militaire mondiale avait de la peine à se remettre de son interventionnisme en Afghanistan, et de son incapacité à protéger le continent européen de la menace islamiste armée. Logique. L’OTAN, conçue pour aligner les chars, les canons et les missiles, n’était ni faite pour faire le tri dans les migrants en provenance d’Afrique ou du Moyen-Orient, ni équipée pour ramener la paix et instaurer un Etat de droit du côté de Kaboul. Rien de tel en revanche face à l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine. Cette fois, l’OTAN et ses trente pays membres ont retrouvé une raison d’être et plus personne ne conteste l’efficacité de cette Alliance pilotée depuis Bruxelles, mais dirigée de Washington.

Ce changement radical d’ambiance est évident. Fin 2019, près de Londres, les questionnements stratégiques pullulaient lors du sommet de l’Alliance. L’OTAN, sous la pression française, avait promis de se doter d’une nouvelle doctrine faisant place aux défis migratoires et au risque «systémique» posé par la Chine au continent européen. Deux ans plus tard à Madrid, où le sommet de l’Alliance s’achève ce jeudi 30 juin, son concept stratégique version 2022 a été validé sans coup férir. La Russie de Vladimir Poutine est bien redevenue la «principale menace» pour l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. La preuve: Joe Biden, le président Américain qui en est de facto le patron, a multiplié les annonces sur de nouveaux déploiements permanents de l’US Army entre Pologne, Pays Baltes, Roumanie, Espagne et Royaume-Uni.

Les Européens ont besoin de l’Alliance

Oublions ici les arguments de ceux qui, en dépit de toutes les évidences, font porter à l’OTAN la responsabilité du conflit déclenché en Ukraine par le seul maître du Kremlin, obsédé par la reconquête meurtrière de l’espace soviétique défunt. Les Européens, dans cette crise, ont besoin de l’Alliance. Point. Mais l’unanimité du sommet de Madrid, couplée à l’adhésion prochaine des ex-pays neutres que sont la Finlande et la Suède, ne doivent pas masquer une préoccupante réalité: bien qu’ils dépensent plus pour leur défense – l’Allemagne va même y consacrer 100 milliards d’euros supplémentaires – les trente pays membres de l’Alliance ont remis la main dans un engrenage potentiellement fatal.

Leur principal fournisseur d’armes se trouve outre-Atlantique. Leurs pourvoyeurs en données numériques, indispensables pour les guerres de futur, y sont aussi. Les moyens de transport des troupes et les infrastructures pour subvenir à leurs besoins sont «Made in USA». Le Pentagone peut remercier Vladimir Poutine: l’impérialisme américain n’a plus besoin aujourd’hui d’habits neufs. Il se présente tel quel. Joe Biden, 79 ans, est l’indispensable protecteur de nos trop vulnérables démocraties.

Inutile de nier les évidences

Ce constat n’est pas exagéré. Il ne s’agit pas non plus, vu de la très neutre Suisse neutre où le Conseil fédéral a préféré acheter des F-35 américains que des avions de chasse européens, de nier les évidences. En temps de guerre et de menaces, face à un tyran prêt à violer toutes les règles pour parvenir à ses fins, le bon bouclier est celui qui peut vous protéger. Il s’agit juste de redire aux dirigeants européens tentés par l’amnésie que cette assurance vie américaine a toujours eu un coût. Et que plus la violence du conflit en Ukraine s’installera dans la durée, plus le prix à payer sera élevé.

Le Pentagone, assureur en chef du continent le plus riche du monde, aurait en plus tort de faire des cadeaux. Les besoins énergétiques obligent l’Europe à importer du gaz de schiste. Les programmes militaro-industriels américains, profitant des ventes à grande échelle, vont devenir de plus en plus concurrentiels. Qu’importent les articles de son traité, l’OTAN n’est pas un club d’égaux. C’est aujourd’hui de Washington que tout dépend, à commencer par les livraisons d’armes les plus performantes vers le front Ukrainien.

Poutine a menti. Mais gare aux illusions..

Vladimir Poutine a menti à propos de la soi-disant volonté de l’OTAN de déstabiliser la Russie depuis les années 1990. Les Européens se mentiraient à eux-mêmes s’ils ne tirent pas du sommet de Madrid, ce jeudi, une leçon impérative: même s’il paie rubis sur l’ongle sa cotisation, l’assuré n’est jamais certain qu’en cas de sinistre majeur, il sera remboursé de tous les dommages causés.

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