Renversé par une voiture, Luciano D'Adamo, 63 ans se réveille péniblement dans un hôpital à Rome en 2019. Comme il est d'usage, ses proches viennent lui rendre visite. Problème, il ne reconnait pas son épouse: «Je pensais que c’était ma mère.» Deuxième coup de massue, un trentenaire entre dans la chambre: «Salut Papa, comment vas-tu?». «J’ai pensé qu’il était fou», raconte le sexagénaire au «Corriere della Sera», repris par «Le Parisien» mercredi 11 décembre.
Si Luciano D'Adamo ne reconnait aucun des membres de sa famille, c'est parce qu'il n'a «aucun souvenir de ces 39 dernières années». Il est resté bloqué en 1980 lorsqu'il avait 23 ans. Pour lui, il va se marier dans quatre mois et sa fiancée a 19 ans. Ensemble, ils n'ont pas encore d'enfants. Les médecins n'arrivent pas à expliquer ce qu'il s'est passé.
«C'était un vieux monsieur»
Son fils a pourtant essayé de raviver la mémoire de son père. La première fois qu'il l'a vu, il a sorti son téléphone portable et lui a montré des photos. Mais le sexagénaire ne reconnait personne et ne comprend rien à l'appareil sous ses yeux. «Je me demandais juste où se cachait la pellicule de cet appareil photo miniature», détaille-t-il.
Et stupeur quand il passe devant un miroir pour la première fois: «C’était un vieux monsieur. C’était une autre personne. J’ai poussé un cri, les infirmières sont arrivées et ont essayé de me calmer. (…) Elles m’ont expliqué que nous étions en 2019», se rappelle l'homme.
«Je ne me souvenais de rien. Ni des faits, ni des personnes, ni des choses que j’avais vues. C’était comme si je n’avais pas vécu toutes ces années-là.» Cinq ans plus tard, ses souvenirs ne sont pas revenus. Il note tout de même les quelques rares souvenirs qui lui reviennent sous forme de flash comme la naissance de ses fils. «Je ne me les suis pas seulement remémorés, je les ai revécus», souligne-t-il. Pour l'aider, sa femme a confectionné un dossier année par année avec des photos, vidéos et autres documents.
Berlusconi? Le 11 septembre? Internet?
L'homme qui a aujourd'hui 68 ans confie au journal italien ne rien savoir sur Berlusconi, les attentats du 11 septembre, John Lennon, les derniers papes ou encore la chute du Mur. Pour s'aider, il a dû apprendre à utiliser Internet: «Je suis très curieux. Je vais sur Google et je vois, je comprends».
Mais ce n'est pas la parade parfaite, Luciano D'Adamo confie ne pas être heureux. Des étapes marquantes de sa vie comme le décès de sa mère ont disparu de sa mémoire. Il conclut: «Je n’ai vécu qu’un tiers de ma vie. Trente-neuf années ont disparu dans le noir. J’ai appris que seule la vie dont on se souvient est la vie que l’on a vécue. Le reste s’envole au vent.»