Le plus grand pays d'Asie centrale est ébranlé par une contestation qui a éclaté dimanche dans l'ouest après une hausse des prix du gaz avant de gagner Almaty, où les manifestations ont viré à l'émeute contre le pouvoir, des protestataires s'emparant de bâtiments officiels.
Les violences se sont poursuivies jeudi. Un correspondant de l'AFP a entendu plusieurs coups de feu dans le centre de cette ville qui portait les stigmates des affrontements de la veille, avec des façades d'immeubles noircies par les flammes, des carcasses de véhicules calcinées et des flaques de sang au sol.
Des médias locaux ont affirmé jeudi soir que les forces de l'ordre avaient chassé les manifestants de la principale place d'Almaty et repris le contrôle des bâtiments officiels, ce que l'AFP n'a pas pu vérifier.
Peu auparavant, Moscou avait annoncé l'arrivée au Kazakhstan de militaires russes dans le cadre du déploiement d'une «force collective de maintien de la paix» de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), un groupe sous contrôle russe, à l'appel du gouvernement kazakh.
Lourd bilan
Les violences ont suscité un choc au Kazakhstan, pays de 19 millions d'habitants et riche en ressources naturelles, réputé pour son gouvernement aussi stable qu'autoritaire.
Saule, une manifestante de 58 ans, a dit avoir vu une dizaine de protestataires tomber sous les balles des forces de l'ordre mercredi soir près de la résidence présidentielle. Manifestant contre la «corruption», elle se dit «profondément déçue» par le chef de l'Etat Kassym-Jomart Tokaïev, qui a accusé des groupes de «terroristes» formés selon lui à l'étranger d'être derrière les émeutes.
Le bilan de ces troubles est lourd: les autorités ont fait état de «dizaines» de manifestants tués et plus d'un millier de personnes blessées, dont 62 grièvement. Dix-huit membres des forces de sécurité ont été tués et 748 blessés, ont par ailleurs rapporté les agences de presse, citant les autorités.
M. Tokaïev a jusque ici échoué à calmer les manifestants, malgré des concessions sur les prix du gaz et du carburant, et le limogeage du gouvernement. En parallèle, la répression bat son plein: les autorités, qui ont instauré l'état d'urgence et un couvre-feu nocturne, ont annoncé jeudi qu'environ 2300 personnes avaient été arrêtées rien qu'à Almaty.
«Dehors, le vieux !»
Mercredi, les images diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux ont montré des scènes de chaos avec des magasins pillés et certains bâtiments administratifs incendiés à Almaty, tandis que des tirs d'arme automatique retentissaient dans la ville.
Alors qu'Internet a été coupé, les institutions financières du pays ont suspendu leurs activités, de même que les aéroports d'Almaty, de la capitale Nur-Sultan et des grandes villes d'Aktobe et d'Aktau.
Au-delà de la hausse des prix, la colère des manifestants est notamment dirigée vers l'ancien président autoritaire Noursoultan Nazarbaïev. Agé de 81 ans, celui-ci a régné sur le pays de 1989 à 2019 et conserve une grande influence. Il est considéré comme le mentor de M. Tokaïev.
«Dehors, le vieux !», ont notamment scandé des manifestants. A Taldykourgan (sud-est), des protestataires ont déboulonné une statue de M. Nazarbaïev.
Inquiétude internationale
Le Kazakhstan comprend une importante minorité russe et revêt une importance économique et géopolitique cruciale pour la Russie. Moscou a appelé mercredi à résoudre la crise par le dialogue «et non par des émeutes de rues et la violation des lois».
L'ONU a appelé jeudi toutes les parties au Kazakhstan à «s'abstenir de toute violence» et Washington a réclamé une «solution pacifique». L'Union européenne s'est dite «très préoccupée» et a critiqué l'envoi d'une aide militaire extérieure par l'OTSC, qui rappelle «des situations à éviter».
(ATS)