La Transnistrie, région de Moldavie voisine de l'Ukraine, est au centre de l'attention depuis quelques jours. Cet oblast – c'est-à-dire une région qui est une ancienne division administrative de l'URSS – partage les mêmes caractéristiques que les régions ukrainiennes de Lougansk et de Donetsk. Elle est sécessionniste, occupée par des soldats pro russes, non reconnue internationalement et soutenue exclusivement par la Russie.
Jusqu'à présent, la région, tout comme la Moldavie elle-même, a été majoritairement épargnée par la guerre menée par la Russie. Mais la crainte que les troupes du président Poutine puissent également envahir la Transnistrie augmente de jours en jours. Le général russe de haut rang Rustam Minnekajew a annoncé que l'armée russe voulait prendre le contrôle de tout le sud de l'Ukraine: «c'est un autre chemin vers la Transnistrie, où la population russe est également opprimée» a-t-il affirmé.
Les troupes de Vladimir Poutine semblent désormais considérer sérieusement une opération sur le territoire moldave. Lundi, les autorités transnistriennes ont annoncé que le ministère de la Sécurité d'Etat – situé à Tiraspol, la capitale de la région – avait été bombardé. Mardi, deux antennes radio transmettant une fréquence russe auraient également été entièrement détruites. Peu après, l'Ukraine a attribué l'attaque à Moscou, mais personne ne l'a encore officiellement revendiquée.
Selon les autorités moldaves, ces explosions visent à «créer des prétextes pour mettre à mal la situation sécuritaire dans la région de le Transnistrie». La présidente moldave Maia Sandu a convoqué une réunion du Conseil suprême de sécurité du pays. Les attaques ont été qualifiées de «terroristes» et le niveau d'alerte est passé au rouge.
Pourquoi la Russie s'intéresse-t-elle à la Transnistrie?
Avec ses 4000 kilomètres carrés, le territoire de la Transnistrie est presque minuscule en comparaison à d'autres régions en proie à la guerre, comme le Donbass. Pourtant, l'intérêt de la Russie pour l'oblast est très marqué depuis les années 1990.
Certes la région n'a pas une grande valeur stratégique pour Moscou, l'envoi de troupes sur place créerait même «plus de problèmes qu'il n'en résoudrait» pour la Russie elle-même, selon le «Washington Post». Car en cas d'invasion, des sanctions supplémentaires tomberaient certainement sur la Russie et cela mettrait un terme aux relations avec la République de Moldavie, constitutionnellement neutre.
Selon «The Conversation», ces anciennes républiques de l'Union soviétique sont «de facto, des États» et sont territorialement très importantes pour la Russie. Avec l'annexion de la Crimée, puis la reconnaissance des oblasts de Lougansk et de Donetsk, la Russie a déjà atteint une partie de son objectif initial. Avant la guerre, celle-ci affirmait vouloir «rétablir une zone d'influence fiable au-delà de ses frontières». La Transnistrie ne serait qu'une étape supplémentaire dans ce projet.
Que signifierait la conquête de la Transnistrie pour la Moldavie?
Si la Russie s'emparait également de la Transnistrie, l'importante ville portuaire ukrainienne d'Odessa serait encerclée par les forces russes. Le reste de l'Ukraine serait, de facto, coupé des mers du monde. Le contrôle ukrainien sur son propre territoire se limiterait ainsi à une zone enclavée et économiquement ruinée.
Tandis que des centres de population importants, comme la capitale Kiev, resteraient à portée de l'artillerie russe, un grand nombre de citoyens ukrainiens et moldaves seraient soumis à «un régime d'occupation russe brutal», poursuit «The Conversation».
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En Transnistrie, malgré l'occupation pro russe, on semble peu enthousiaste à l'idée d'être entraîné dans l'agression russe contre l'Ukraine. Mais si l'armée russe envahissait effectivement la Transnistrie, la Moldavie n'aurait que des possibilités limitées pour s'opposer aux ambitions de Moscou.
En outre, la Moldavie serait encore plus exposée à une agression russe que l'Ukraine, car elle est «loin de disposer des mêmes capacités de défense», conclut l'article.
Quelle est la probabilité d'une invasion russe en Moldavie?
Le désir russe de contrôler le sud de l'Ukraine n'est pas nouveau. «Les russes ont déjà essayé de le faire lors de la première phase de la guerre», explique Michael Kofman, expert russe travaillant pour une organisation de recherche et d'analyse à but non lucratif.
Mais jusqu'à présent, les tentatives de la Russie de s'avancer au-delà de la ville de Mikolaïiv, dans le sud de l'Ukraine, n'ont guère été couronnées de succès. C'est pourquoi Michael Kofman pense plutôt que les troupes de Poutine se concentreront sur l'Ukraine et n'envahiront pas la Transnistrie.
Le ministre moldave des Affaires étrangères, Nicu Popescu, s'est lui aussi montré rassurant jusqu'à présent. Lors d'un événement organisé par le German Marshall Fund à Washington cette semaine, il a déclaré que la situation en Transnistrie était «plus ou moins calme» et que la Moldavie n'avait observé aucun signe d'activité militaire inhabituelle.
(Adaptation par Thibault Gilgen)