Rares sont les présidents qui polarisent autant que Javier Milei. La Suisse a eu l'occasion de rencontrer l'Argentin au mois de janvier. Ce libertaire de droite a fait sensation au Forum économique mondial de Davos avec un discours incendiaire et émotionnel en faveur du capitalisme et contre le féminisme.
L'homme à la tronçonneuse est en poste depuis trois mois. Depuis, l'Argentine s'est enfoncée encore plus dans la crise économique. Mercredi, un abîme historique a été atteint.
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Le taux d'inflation le plus élevé dans le monde
Le taux d'inflation annuel en Argentine a atteint 254,2% en janvier, a annoncé l'autorité nationale des statistiques Indec à Buenos Aires. Aucun autre pays n'a un taux d'inflation aussi élevé que l'Argentine. Ce sont surtout les coûts des produits de soins corporels, des transports et des communications qui ont fortement augmenté le mois dernier. La situation n'avait pas été aussi grave depuis l'hyperinflation de 1991.
Un quotidien très pénible pour les Argentins
En Argentine, les prix des produits alimentaires et autres biens essentiels changent tous les jours, voire toutes les heures selon les magasins. Luca Gomez confie à Blick: «Mon argent se dévalue plus vite que je ne peux travailler». Cet étudiant de Buenos Aires finance sa vie avec ses jobs d'été et d'hiver pendant les vacances semestrielles. «Ce que j'ai reçu en novembre et décembre ne vaut maintenant presque plus rien, j'ai l'impression.» Il y a deux ans, un café coûtait 200 pesos argentins, aujourd'hui, il faut compter 2000 pesos.
Pas étonnant que les Argentins soient devenus inventifs. Ceux qui le peuvent échangent leurs économies contre des dollars américains. Depuis des années, il existe, en plus du cours officiel du peso, ce que l'on appelle le «Blue Dollar». A la banque, on peut obtenir un dollar américain pour 833 pesos argentins – dans la rue, le billet au cours du dollar bleu peut se revendre 1100 pesos. «C'est la seule façon pour moi de mettre au moins quelque chose de côté – sans que mes économies fondent à nouveau», déplore Luca Gomez.
Javier Milei a-t-il déjà échoué?
«La récente hausse de l'inflation est due à la politique de Milei», affirme Peter Birle, politologue à l'Institut ibéro-américain (IAI) en Allemagne. Il veut toutefois attendre les développements des prochains mois. «Milei lui-même avait dit dès le début que l'inflation augmenterait encore dans un premier temps avant de pouvoir s'attendre à une baisse.»
Le problème du président argentin: Il n'a pas de majorité au Parlement. Il est peu probable qu'il parvienne à mettre en œuvre de manière aussi conséquente nombre de ses promesses radicales – supprimer la moitié des ministères, fermer la banque centrale ou introduire le dollar américain. Malgré tout, Peter Birle s'attend à ce que de nouvelles coupes radicales dans les subventions aient lieu dans les prochains mois. «Dans le même temps, le gouvernement veut privatiser massivement les entreprises publiques.»
Javier Milei parviendra-t-il à remettre l'Argentine sur les rails?
Pour Peter Birle, il ne fait aucun doute que l'Argentine a besoin de réformes fondamentales. «Néanmoins, l'approche radicale de Javier Milei, qui consiste à nier tout rôle à l'État, est totalement erronée.» Selon lui, sa méthode n'est pas adaptée pour réussir dans une économie mondiale globalisée. «L'Argentine ne cesse de tomber d'un extrême à l'autre, cela fait partie du problème.» Selon le politologue, ce n'est que si Javier Milei et son gouvernement se montrent capables d'apprendre et sont prêts à faire des compromis que l'ancien professeur d'économie pourra enregistrer des succès à long terme. «Malheureusement, je vois jusqu'à présent peu de signes de capacité d'apprentissage chez Javier Milei.»