Costume bleu marine, cravate bleu électrique, visage fermé, le corps légèrement voûté et la tête un peu rentrée dans les épaules, Donald Trump, à l'air défiant, est flanqué de deux de ses avocats, Chris Kise et Alina Habba, assis en face du juge new-yorkais Arthur Engoron qui va présider les débats pendant des semaines.
Juste avant d'entrer dans la salle, il a accusé devant une forêt de caméras la procureure générale de l'Etat de New York Letitia James, plaignante dans cette affaire et qui lui réclame 250 millions de dollars, d'être «raciste» et d'être un «spectacle d'horreur». Il a qualifié ce procès au civil - l'un des premiers d'une longue série en 2024 - d'"arnaque» et de «simulacre». A l'extérieur, une dizaine de partisans et d'opposants se font face, séparés par les forces de l'ordre.
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Ce procès au civil, qui a commencé par les déclarations préliminaires des avocats, pourrait menacer l'empire économique de l'homme d'affaires, surtout son groupe familial Trump Organization. «Le président Trump a bâti l'un des empires immobiliers de la planète les plus prospères», a défendu Me Kise en niant la moindre irrégularité comptable.
En face, la première magistrate de l'Etat de New York, Letitia James, une élue afro-américaine du Parti démocrate et qui est l'équivalent de ministre locale de la Justice, a assuré devant le palais de justice de Manhattan que la «justice allait prévaloir» et accusé le magnat de l'immobilier de «fraudes répétées» et d'avoir «triché» pendant des années.
Pas de prison
Kevin Wallace, l'un des membres de l'équipe de Letitia James, a réaffirmé que la fraude avait déjà été établie juridiquement et que les personnes visées par la plainte civile «avaient surévalué leurs actifs entre 812 millions et 2,2 milliards de dollars par an» de 2014 à 2021. Y compris donc quand Donald Trump était à la Maison Blanche (2017-2021).
L'homme politique de 77 ans, qui a bouleversé les équilibres institutionnels de son pays depuis 2016, ne sera pas condamné à de la prison dans cette affaire au civil. Mais son procès va offrir un avant-goût des échéances judiciaires susceptibles de perturber sa campagne pour l'investiture républicaine, lui qui rêve de retourner à la Maison Blanche.
Inculpé au pénal dans quatre dossiers, qui n'ont pour l'instant pas entamé sa popularité auprès de la base républicaine, Donald Trump doit comparaître à partir du 4 mars devant un tribunal fédéral de Washington. Il est accusé d'avoir tenté d'inverser le résultat de la présidentielle de novembre 2020 remportée par Joe Biden.
Retrait des licences commerciales
Le procès de New York a brusquement pris un enjeu considérable la semaine dernière lorsque le juge Engoron, qui le préside, a estimé dans une ordonnance en référé que des «fraudes répétées» étaient établies et que le parquet général de l'Etat de New York avait d'ores et déjà démontré la «surévaluation» du patrimoine des Trump.
En conséquence, ce juge a ordonné le retrait des licences commerciales dans l'Etat de New York à Donald Trump et ses fils Eric Trump et Donald Trump Jr, dirigeants de la Trump Organization, ainsi que la confiscation des sociétés visées par la plainte, pour qu'elles soient confiées à des liquidateurs. Si elles étaient appliquées, ces sanctions porteraient «un coup majeur à la capacité de Donald Trump de faire des affaires dans l'Etat de New York», estime Will Thomas, professeur en droit des affaires à l'université du Michigan.
Celui qui a fait fortune dans l'immobilier et les casinos dans les années 1980 perdrait alors le contrôle sur plusieurs étendards de son groupe, comme la Trump Tower sur la 5e avenue de Manhattan. Ces propriétés sont au cœur des accusations de Letitia James: la surface du triplex de l'homme d'affaires dans la Trump Tower aurait été triplée et l'immeuble du 40 Wall Street surévalué de 200 à 300 millions de dollars dans des déclarations financières. La plaignante réclame aussi que soient reconnues d'autres violations de lois financières et une amende de 250 millions de dollars.
Trump balaie les accusations
Donald Trump a toujours balayé les accusations et a fait valoir que les banques prêteuses avaient été remboursées, «totalement, avec les intérêts, sans défaillances et sans victimes». La défense compte aussi se battre pied à pied sur les évaluations des actifs.
Le procès s'annonce technique et des dizaines de témoins sont attendus, dont trois des enfants Trump, Eric, Donald Jr, et Ivanka initialement visée par la plainte mais finalement non poursuivie, ou l'ancien directeur financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg, qui a fait de la prison après avoir plaidé coupable de fraude fiscale dans un autre dossier visant le groupe.
(ATS)