Garder le pouvoir à tout prix
Trump veut être imprévisible: le chaos est au cœur de sa stratégie

Pour son deuxième mandat, Donald Trump mise sur le chaos comme stratégie. Le président américain utilise l'imprévisibilité pour déstabiliser ses adversaires et renforcer son pouvoir. Ses signaux contradictoires créent de l'incertitude dans le monde entier.
Publié: 22.03.2025 à 22:54 heures
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Dernière mise à jour: 22.03.2025 à 23:00 heures
Trump utilise l'imprévisibilité pour assurer sa domination. Cela peut-il fonctionner?
Photo: AFP
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Chiara Schlenz

Mentir régulièrement et rester imprévisible permet de garder ses adversaires à distance: une leçon que Donald Trump semble avoir parfaitement intégrée. Imposera-t-il des droits de douane drastiques à ses alliés? Vendra-t-il l’Ukraine à Poutine? Utilisera-t-il le gouvernement pour éliminer des ennemis politiques? Trump a tout à la fois suggéré ces idées, les a démenties, confirmées, parfois mises en œuvre – avant de revenir en arrière.

Depuis son retour à la Maison Blanche, Trump montre une fois de plus que le chaos, loin d’être une difficulté, est au cœur de sa stratégie. Il s’en sert pour déstabiliser ses opposants, élargir sa marge de manœuvre et affaiblir les structures de pouvoir existantes. Ce qui ressemble à une gouvernance improvisée suit en réalité un schéma bien précis – un concept connu sous le nom de «théorie du madman».

La confusion avant tout

Le principe est simple: en se montrant irrationnel, imprévisible voire dangereux, on pousse ses adversaires à l'incertitude, les contraignant ainsi à faire des concessions. Le terme est né sous Richard Nixon qui, dans les années 1970, voulait faire croire aux Nord-Vietnamiens qu’il était prêt à tout, même à utiliser l’arme nucléaire.

Trump s’approprie cette idée, mais à sa manière. Au lieu d’une dissuasion ciblée, il opte pour un flux continu de déclarations contradictoires, de menaces, de retournements de veste. Comme un joueur de poker, il s’arrange pour que personne ne sache s’il bluffe… ou non. 

Selon les analystes, Trump entretient délibérément la confusion afin de paralyser ses opposants. Car celui qui doit constamment réagir ne peut pas développer lui-même de stratégie. Ses adversaires sont forcés de disséquer chaque tweet, chaque déclaration improvisée, pour en mesurer les conséquences. En procédant ainsi, Trump impose le tempo – et oblige le monde entier à tourner autour de lui.

Le contrôle par le chaos

Au cours des premières semaines de son second mandat, Trump a encore raffiné cette tactique, semant la confusion à l’échelle internationale. Parmi les épisodes les plus marquants: la menace inattendue d’annexer le Canada. 

Officiellement motivée par des allégations d’influence chinoise dans le Nord, cette sortie a surtout été perçue comme un affront délibéré emvers Ottawa. Même logique pour la résurgence de son projet d’acheter le Groenland – cette fois présenté comme un «accord de sécurité» face à la Russie – qui a provoqué une onde de choc diplomatique.

Sur le plan économique, Trump applique également ce principe de chaos contrôlé. Après avoir imposé de nouveaux droits de douane punitifs à l’UE, au Canada et au Mexique, il a brusquement reculé – avant de revenir à la charge avec d’autres mesures. Résultat: les marchés s’agitent, les investissements ralentissent et Trump se met en scène en arbitre suprême de la prospérité de secteurs entiers. 

L'Ukraine comme exemple

Sa gestion de la guerre en Ukraine illustre aussi cette stratégie. En retardant les livraisons d’armes, en les soumettant à de nouvelles conditions, puis en évoquant l’idée de négocier directement avec le chef du Kremlin Vladimir Poutine une «solution de paix», il entretient l’incertitude.

Nul ne sait s’il compte vraiment abandonner l’Ukraine ou s’il s’agit d’une énième tactique. Et c’est précisément ce flou qui renforce son efficacité: Trump menace, envenime, inquiète et attise la peur – puis cède pour se présenter comme le sauveur qui a permis un accord. 

Une technique controversée

Cette stratégie ne fait toutefois pas l’unanimité. Le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, a déclaré après la réunion de la Fed mercredi: «Dans la situation actuelle, l’incertitude est remarquablement élevée.» Les revirements de Trump compliquent la conjoncture. Depuis février, l’indice S&P-500 a chuté de 10%. Quant à la popularité du président, elle plafonne à environ 47%, selon un sondage du «New York Times» – un score peu flatteur.

Et le monde n’a que trop bien ressenti les effets de la stratégie du «non, si, oh», lorsque Trump a soudainement suspendu les livraisons d’armes à l’Ukraine… avant de les relancer. Puis, peut-être, de les stopper à nouveau…

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