Facebook n'en a pas encore fini avec les polémiques. Depuis les révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen, qui a quitté la compagnie en emportant des milliers de documents internes avec elle, d'autres éléments resurgissent au gré des enquêtes de journaux. Les «Facebook Papers», partagés cette semaine par 17 médias américains, ajoutent à la masse d'informations qui plongent le géant de la tech californien dans la tourmente. L'entreprise est accusée de contribuer à la déstabilisation politique, à l'incitation à la violence, au trafic d'êtres humains, et d'être obsédée par la croissance sans se donner les moyens de modérer les contenus.
Ces révélations n'ont pas encore eu de répercussions en bourse, l'entreprise ayant dégagé 9,22 milliards de dollars de bénéfice net au troisième trimestre (+17% en un an).
Facebook n'empêche pas la radicalisation par la désinformation
Facebook aurait été prévenu début novembre des risques de radicalisation des supporters de Donald Trump. Quelques jours après le scrutin américain, un analyste faisait savoir à ses collègues que 10% des contenus politiques visionnés par les utilisateurs américains de la plateforme étaient des messages assurant que le vote avait été truqué, d'après le New York Times. Un chercheur rapporte dans un rapport interne avoir créé un faux compte conservateur. Dès l'été 2019, cette «Carol Smith», mère conservatrice fictive de Caroline du Nord, a été inondée par l'algorithme du réseau social de contenus extrêmes et conspirationnistes, dont ceux de la mouvance Qanon. Le Washington Post donne la parole à un deuxième lanceur d'alerte, qui assure que les managers sapaient les efforts de lutte contre la désinformation, par peur de mettre en colère Donald Trump et ses alliés, et pour ne pas nuire aux profits volumineux de Facebook.
Crise de la modération à l’étranger
On savait déjà comment les atrocités commises en Birmanie contre la minorité des Rohingyas ont été amplifiées sur Facebook. Le réseau social est omniprésent dans le pays d'Asie du Sud-est. Il semble que l'entreprise n'ait rien tenté pour endiguer de tels débordements de violence. Selon les documents, Facebook consacre l’immense majorité de son budget modération en Occident et est incapable de protéger ses utilisateurs ailleurs. Le groupe est « bien conscient qu’une politique de modération plus faible dans les pays non anglophones rend la plateforme vulnérable aux abus de personnes mal intentionnées et de régimes autoritaires », rapporte le Washington Post.
Facebook conscient de sa domination
Les voix s'élèvent dans les milieux politiques américains pour réguler les réseaux sociaux et plus particulièrement Facebook, en vertu de la loi antitrust. Facebook se défend d'être dans une position de domination de marché, avançant que TikTok et Snapchat sont de sérieux concurrents. Selon des documents internes, Facebook semble pourtant conscient de sa position de force: malgré son érosion chez les plus jeunes, Facebook est utilisé par 78 % des adultes américains. « Une fois que vous avez un utilisateur sur votre app, c’est dur de le perdre », précise une présentation. Ces éléments pourraient être exploités par le gendarme de la concurrence, qui tente de convaincre un juge d’autoriser des poursuites contre Facebook.
Facebook perd les jeunes
Pourtant, ce n'est plus un secret pour personne: Facebook est en train de perdre les 13-17 ans. Selon des données datant de mars, le nombre d’adolescents utilisant Facebook aux Etats-Unis a diminué de 13% depuis 2019. Et la chute pourrait attendre 45% en 2023, selon des projections. La durée quotidienne passée sur le réseau a également baissé de 5% chez les moins de 18 ans. Des chiffres qui expliquent l’empressement de l’entreprise pour sortir Instagram Kids destiné aux 10-12 ans. Mais face à la polémique, le projet est, pour l’instant, en pause.